Rappel n La polémique remonte à l'été dernier. Trois projections du film ont été programmées à Alger, Oran et Constantine et ont été annulées. Il semble que le film du réalisateur algérien Jean-Pierre Lledo Ne restent dans l'oued que ses galets, retitré Algérie, histoire à ne pas dire, demeure un objet de polémique, même en dépit des concessions faites par le réalisateur, à savoir présenter une version courte du film qui, initialement, dure trois heures de temps. D'où la raison de ce changement de titre. «Le film n'a toujours pas reçu un visa d'exploitation commerciale, dont j'ai fait la demande à trois reprises, en juin et en novembre 2007, puis à nouveau au début de cette année 2008», a regretté Jean-Pierre Lledo, lors d'un point de presse organisé, hier lundi, au siège de la Fédération internationale des journalistes, à la maison de la presse. Réalisé dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe», le film- documentaire devait être projeté, vendredi, 11 janvier, à la filmathèque Zinet (Riad-el-Feth). «Le film y a été programmé et la projection a été de nouveau interdite sur injonction de la ministre de la Culture, via le directeur général par intérim de l'OREF», a déclaré le réalisateur, ajoutant : «La ministre confirme qu'elle refuse de m'accorder le visa d'exploitation déjà demandé à trois reprises, et que je ne pourrai donc projeter mon film dans aucune infrastructure publique.» Jean-Pierre Lledo relève quelques prétextes par lesquels les instances concernées justifient ce refus. «La ministre fait croire que je n'ai pas remis le film, dans sa version courte, à «Alger, capitale de la culture arabe». Or j'ai déposé une copie en juillet dernier avec un accusé de réception.» Jean-Pierre Lledo a déploré un tel agissement qu'il qualifie de «censure», et dit regretter que la ministre s'enferme dans un silence frustrant. «J'en appelle donc à la ministre pour qu'elle mette fin à cette situation qui porte autant préjudice aux artisans de ce film, une équipe de tournage entièrement algérienne, qu'à moi en tant qu'auteur ayant le droit d'avoir un point de vue différent des autorités, ainsi qu'au public national qui aurait dû avoir la primeur du film lequel sera bientôt distribué dans d'autres pays», a-t-il estimé. Ainsi, le réalisateur a estimé que la ministre doit se décider, soit à donner le visa d'exploitation commerciale à son film, soit à prononcer clairement son interdiction. Il est à souligner que le film qui sera bientôt distribué dans d'autres pays, a eu une grande audience à Montréal (Canada), le 6 décembre dernier, et a été sélectionné au Festival de Toronto en septembre 2007. Sa projection, et c'est le comble de l'antinomie des mesures ministérielles, a eu lieu, le 6 novembre dernier, à Béjaïa, dans le cadre des rencontres organisées par l'association Cinéma et Mémoire, dans une salle directement placée sous la tutelle du ministère de la Culture. Le réalisateur ne comprend alors pas cette logique. «La cinémathèque de Béjaïa échapperait-elle à l'autorité nationale ?», s'est-il interrogé. l Si le film suscite autant de polémiques que de réserves, c'est parce qu'il porte sur écran une partie de l'histoire de la Révolution algérienne, jugée sombre par les autorités. Le réalisateur revient, dans son documentaire, sur une histoire partagée entre Français d'Algérie et Algériens musulmans, à l'époque coloniale, notamment durant la Guerre de libération. Il raconte cette partie de l'histoire de l'Algérie à travers des témoignages d'Algériens qui évoquent leurs rapports avec leurs voisins juifs et chrétiens. Des témoignages surprenants, voire parfois inattendus. Les rapports relevés dans le film sont structurés et entretenus par une situation conflictuelle. L'Algérie et la France sont héritières d'une histoire commune, mais violente. Et cette mémoire partagée est évoquée uniquement dans ce sens. Ainsi, Jean-Pierre Lledo évoque l'autre aspect de cette mémoire que le commun du peuple ignore.