Mohamed Bélaïd, 55 ans, ancien employé de l?Entreprise nationale des messageries de presse (Enamep), l?a appris à ses dépens. Cet ex-inspecteur principal vit depuis plus de huit ans un véritable calvaire. Tout a commencé en 1995, année où un liquidateur a été désigné. L?entreprise devant disparaître, le personnel comptabilisant plus de 20 années de carrière avait droit à une retraite proportionnelle. Comme ses collègues, il s?est donc vu attribuer un dossier de la part de son administration. Une «tonne» de documents y figurait. Allant le déposer au bureau du service des retraites, il se voit opposer une fin de non-recevoir. «Le relevé de carrière n?est pas signé.» Il devrait être émargé par le liquidateur en personne. Toutefois, ce dernier n?a plus donné signe de vie depuis la dissolution de l?entreprise. A moins de fournir le document, M. Bélaïd ne pourra pas prétendre à un statut de retraité. Depuis, il a commencé à rechercher le liquidateur. «C?est incroyable, à croire qu?il n?a jamais existé.» Une simple signature de la part de ce monsieur pourrait mettre un terme à huit années de souffrance et d?errance. Ne trouvant pas le liquidateur, il cherche une autre solution. Mais on n?en lui propose aucune. Chaque matin, il se présente à l?agence pour déposer son dossier. Face au refus, il crie, supplie, pleure puis s?en va en balbutiant : «Ma délivrance dépend de celui qui a tué mon entreprise, vous imaginez !» M. Bélaïd n?est malheureusement pas un cas isolé. Nombreux sont ceux qui peinent à constituer le dossier pour prétendre à une retraite méritée. Ce sont surtout ceux qui ont vu leur entreprise liquidée qui en souffrent le plus. Ces derniers doivent eux-mêmes constituer leur dossier. Ainsi, ils se voient ballottés d?une administration à une autre. Entre un certificat de non-activité, un certificat de cotisation à la sécurité sociale, des extraits de naissance et autres documents, le futur retraité doit passer des jours à rassembler les documents en question. Les plus rapides l?ont fait en une semaine. D?autres, moins chanceux, y ont passé plus de trois mois. Le bureau des dépôts de dossier est le point de chute de ces pèlerins. L?endroit résonne tous les jours au rythme de cris de colère, de peine. On voit des hommes âgés verser une larme. La plupart affirment que si ce n?était pas pour leurs enfants, ils abandonneraient leur retraite aux bureaucrates.