Récompense n Le Hong-Kongais Wong Kar-Wai et son jury ont rendu, dimanche soir, leur verdict. La Palme d'or du 59e festival de Cannes est revenue au Vent se lève, un film du Britannique Ken Loach sur la guerre d'indépendance irlandaise dans les années 1920. Le réalisateur a estimé, concernant son film, que «dire la vérité sur le passé» peut aider à «dire la vérité sur le présent». «Nous espérons que ce film constituera un pas, un tout petit pas dans le face-à-face des Britanniques avec leur passé impérialiste». «Si nous osons dire la vérité sur le passé, peut-être oserons-nous dire aussi la vérité sur le présent», a-t-il ajouté. À travers l'histoire de deux frères, Le vent se lève raconte la lutte de républicains irlandais contre les troupes d'occupation anglaises, les féroces Black and Tans. La dernière partie du film traite de la guerre civile qui a ensuite opposé les Irlandais favorables au traité de 1921 donnant à l'Irlande du Sud une autonomie partielle sous domination britannique et ceux qui réclamaient une indépendance totale. Ainsi, le Festival de Cannes persiste et signe : après une Palme d'or décernée l'an dernier au très social L'enfant des frères Dardenne, le jury a choisi de récompenser à nouveau un cinéma engagé et politique en couronnant le film de Ken Loach sur la guerre d'indépendance irlandaise. Comme si le message n'avait pas été assez clair, Wong Kar-Wai et ses jurés ont choisi d'attribuer la plus importante distinction après la Palme, le Grand-Prix du Jury, à Flandres du Français Bruno Dumont, film coup-de-poing qui transporte les spectateurs sur un théâtre de guerre ressemblant à l'Irak. Viols, émasculations et exécutions sommaires se succèdent, créant un sentiment de malaise d'autant plus fort que Flandres est une œuvre brute, sans musique et quasiment sans dialogues, à mille lieues des effets hollywoodiens. Politique aussi, le prix d'interprétation décerné collectivement aux acteurs du film Indigènes du Français Rachid Bouchareb, qui rend hommage, après des années d'oubli, au rôle joué par les soldats de l'Armée d'Afrique dans la libération de la France à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Bouchareb a tenu à rappeler que la France avait toujours une dette portant sur les pensions non versées aux anciens combattants venus d'Afrique. Il a d'ailleurs confié qu'il envisageait de faire, «plus tard», un film sur la guerre d'Algérie (1954/1962), autre période peu glorieuse de l'histoire de France peu abordée au cinéma. Pour Thierry Frémaux, délégué artistique du Festival, «les artistes sont des citoyens du monde et n'échappent pas aux questions que se pose n'importe quel être humain». «Picasso a fait Guernica car il a eu le sentiment qu'il devait mettre son art au service de quelque chose en quoi il croyait. Les artistes ont toujours fait cela», a-t-il déclaré. Palmarès - Palme d'or : Le vent se lève, du Britannique Ken Loach - Grand Prix du jury : Flandres, du Français Bruno Dumont - Prix d'interprétation féminine : attribué collectivement aux six actrices espagnoles de Volver, Penélope Cruz, Carmen Maura, Lola Duenas, Blanca Portillo, Yohana Cobo et Chus Lampreave - Prix d'interprétation masculine : attribué collectivement aux cinq acteurs d'Indigènes, Jamel Debbouze, Samy Nacéri, Sami Bouajila, Roschdy Zem et Bernard Blancan - Prix de la mise en scène : le Mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu pour Babel - Prix du scénario : l'Espagnol Pedro Almodovar pour Volver - Prix du jury : Red road, premier film de la Britannique Andrea Arnold - Palme d'or du court métrage : Sniffer, du Norvégien Bobbie Peers - Caméra d'or : 12h08 à l'est de Bucarest, du Roumain Corneliu Porumboiu.