Résumé de la 1re partie n L'année universitaire s'achève, Michael et son frère Robert partent en vacances. Francis est libéré de prison après y avoir passé 14 ans. Le rendez-vous est donné : l'île de Vancouver. Le directeur de la prison dit à Francis M. : «J'espère que ce n'est pas à moi que vous tiendrez rigueur. Je n'ai fait que me conformer au règlement. Je garde les condamnés. Ce n'est pas moi qui les juge.» Et puis, il y a eu l'avocat, bien plus gêné encore, lui. «Quatorze ans, cela va leur coûter très cher, Francis ! Nous allons attaquer l'administration et l'Etat de Colombia. Avec les dommages et intérêts, vous allez être un homme riche !» Il aurait pu ajouter : «Et ce sera grâce à moi.» Car ces quatorze ans, c'était en grande partie à lui qu'il les devait. Dès le départ, il ne l'avait pas cru. Il l'avait défendu sans conviction, du bout des lèvres. «Mais je suis innocent, maître. Je n'ai pas tué ma femme ! — Bien sûr. Nous ferons ce que vous voudrez. Mais, si vous voulez croire mon expérience, en plaidant coupable...» Pourtant, le plus drôle ou le pire — ce qui revient au même —, c'était la tête du lieutenant quand il est entré dans sa cellule. C'était lui qui avait mené l'enquête quatorze ans plus tôt pour le meurtre de sa femme. Il l'avait fait avec acharnement, l'accusant tout de suite, faisant tout pour obtenir des aveux qu'il n'avait pas eus, haussant les épaules devant ses protestations désespérées d'innocence... «Il vient de se produire quelque chose... Votre femme... Enfin, nous avons arrêté le véritable assassin... C'était un rôdeur. Il a avoué. Nous avons retrouvé chez lui ce qu'il avait volé.» A ce moment précis, le monde a explosé ! Les murs de sa cellule se sont mis à tourner comme une toupie tandis que, devant lui, le lieutenant se décomposait à vue d'œil. «Je sors de chez le juge. J'ai obtenu une mesure de libération d'urgence. Vous êtes libre...» Qu'est-ce que cela voulait dire : libre ? Cela avait une signification quelconque, «libre» ? Le teint du lieutenant était terreux. Il s'est appuyé contre le mur. «Je... vous demande de me pardonner. J'ai présenté ma démission à mes supérieurs.» 6 juillet 1993, une heure de l'après-midi. Michael et Robert Brookes sont sur le bac qui les conduit vers l'île de Vancouver. Leur véhicule, comme d'habitude, ne passe pas inaperçu. Un chauffeur routier, garé à côté d'eux, engage la conversation. «Qu'est-ce que c'est votre engin, les gars ? On dirait un panier à salade... — Mais c'est un panier à salade. On l'a trouvé chez un casseur. On l'a repeint et on l'a transformé en camping-car. — Ça, c'est une drôle de bonne idée ! Je peux voir à l'intérieur ? — Oui, bien sûr. Regardez : on a même gardé les banquettes de bois pour en faire des couchettes.» Le camionneur contemple l'ensemble avec un sifflement admiratif. «C'est un rien chouette ! Avec ça, les gars, vous devez avoir un certain succès ! — Ça, oui ! On ne passe pas inaperçus.» 6 juillet 1993, neuf heures du soir. Francis M., couché sous sa tente, dans une clairière de la forêt de l'île de Vancouver, cherche en vain le sommeil. — S'il est venu ici, dans cette île où il ne connaît personne, tout de suite après sa sortie de prison, c'est pour oublier. Après, il retournera à Vancouver, dans la civilisation, et il se fera payer le plus cher possible pour ses quatorze ans de cauchemar et d'injustice. Mais avant, il doit faire le vide, le calme dans son esprit. Et c'est cela qu'il n'arrive pas à faire. Il se sent bouillir et il est pris de temps en temps d'une rage qu'il ne peut réprimer... (à suivre...)