Même s'ils n'ont pas enchanté comme il le fallait les 72 000 spectateurs de l'Olympiastadion de Berlin, un stade rempli à ras bord, les artistes brésiliens étaient-là au rendez-vous de la Coupe du monde. De leur Coupe du monde, car personne ne peut imaginer une phase finale sans ses magiciens du ballon rond, ses faiseurs de spectacle et ses danseurs de samba qui tiennent à chaque fois en haleine la planète entière. Ils ont traversé le siècle, ils ont défié les tempêtes qui ont secoué le football, mais ils sont restés les mêmes, ancrés dans leur passion et leurs vertus. Hier, tout le monde attendait le Brésil et ses magiciens qui n'ont jamais quitté cette Coupe du monde d'une semelle depuis qu'un Français, Jules Rimet, en a mis l'encre en 1930. La Seleçao en est à sa dix-huitième participation, soit aucune absence, et avec un palmarès impressionnant dont on retiendra seulement (excusez du peu) les cinq titres mondiaux gagnés en 1958, 1962, 1970, 1994 et 2002. En 76 ans, treize sélectionneurs se sont succédé pour façonner cette belle machine à gagner et à plaire. Hier, Ronaldo n'a été que l'ombre de lui-même, mais il y avait les autres : Ronaldinho qui a servi quelques gestes sublimes, Kaka, l'auteur d'un but splendide, Roberto Carlos et ses tirs mythiques, et d'autres. Et le meilleur est à venir. Pourtant, il y avait quelques sifflets qui ont accompagné les coéquipiers de Cafu, le trentenaire aux jambes toujours solides et aux courses sûres, car le public de Berlin, avide de voir la perfection, a été quelque part frustré. Les publics de Munich et de Dortmund, les prochaines étapes de la sélection Auriverde, espèrent, eux, de voir la montée en puissance d'une équipe qui débute toujours laborieusement ses tournois. Le niveau d'une Coupe du monde l'exige fondamentalement, et ça, les Brésiliens l'ont compris en faisant un sacré sacrifice : privilégier le résultat au détriment du spectacle. Maintenant quand on a l'occasion d'allier les deux, c'est encore mieux. En fait, si le football brésilien s'est autant renouvelé sans interruption depuis qu'il fréquente la Coupe du monde, c'est qu'il a, chaque fois, retenu les leçons. Les leçons de 1982 et 1986, de cette belle et enchanteresse génération des Zico, Socrates, Falcao, Eder, Junior, Edinho, Careca et autres, ont servi à Romario et ses coéquipiers (1994) puis à la bande à Ronaldo (2002) de perpétuer la tradition de la victoire et de décrocher le prix de l'assiduité. La passe à dix et le faux rythme pour endormir l'adversaire et le fatiguer c'est aussi une façon de ménager sa monture si on veut arriver en finale. Le Brésil d'hier contre la Croatie, n'a pas vraiment voulu emballer tous les scrutateurs et les amateurs d'opéra. Il a été réaliste, vivant son temps, préférant jaillir au bon moment. Il faut donc être patient et attendre pour voir une autre dimension de ce Brésil qui s'apprête à s'épanouir sur les terrains allemands.