Résumé de la 141e partie n Aziz se retrouve au milieu d'une salle voûtée superbement décorée, contenant des richesses qui restent gravées dans sa mémoire à jamais. Quant à l'autre moitié, elle contenait justement mes fruits de prédilection : des figues toutes ridées de maturité et nonchalantes tant elles se savaient désirables, des cédrats, des limons, des raisins frais et des bananes. Et le tout était séparé par des intervalles où se voyaient les couleurs de fleurs telles que roses, jasmins, tulipes, lis et narcisses. Alors moi je m'épanouis de tout cela à la limite de l'épanouissement et je dis à mes chagrins de s'envoler et à la joie de m'habiter. Mais je restai un tant soi peu préoccupé de ne voir pas, en ce lieu, trace d'une créature vivante d'entre les créatures d'Allah ! Et, comme je ne voyais ni servante ni esclave qui vint me servir, je n'osai d'abord toucher à quoi que ce fût, et j'attendis patiemment l'arrivée de la bien-aimée de mon cœur. Mais la première heure s'écoula, et rien ! Puis la deuxième et la troisième heure, et rien encore ! Alors je commençai à éprouver violemment la torture de la faim, moi qui depuis si longtemps n'avais pas mangé, tout dominé que j'avais été par ma passion sans aboutissement. Mais maintenant que je constatais ce commencement de réalisation, l'appétit me revenait par la grâce d'Allah et j'en savais gré à ma pauvre Aziza qui m'avait toujours prédit le succès et expliqué exactement le mystère de ces rendez-vous. Donc, ne pouvant davantage résister à la fringale énorme qui me creusait à vide, je me jetai d'abord sur les adorables kataïfs que je préférais à tout, et je glissai dans mon gosier qui sait combien de ces délicieuses-là : on les eût dites pétries de parfums spirituels par les doigts diaphanes des houris. Puis je m'attaquai aux losanges croustillants de la juteuse baklawa, et je m'en posai facilement sur l'estomac ce qui m'était départi par le sort miséricordieux : puis j'avalai la coupe entière de la blanche mahallabia saupoudrée de pistaches concassées et si fraîche à mon cœur ; et me décidai ensuite pour les poulets et j'en mangeai un ou deux ou trois ou quatre, tant était savante la farce cachée dans leur cavité, assaisonnée aux grains acides des grenades ; après quoi, je me tournai vers les fruits pour me dulcifier et je caressai mon palais d'un choix lentement pesé ; et je terminai mon repas en goûtant une ou deux ou trois ou quatre cuillerées des grains doux de grenades, et je glorifiai Allah pour ses bienfaits. Et je mis fin à tout en étanchant ma soif au pot vernissé de terre cuite, sans me servir de la coupe inutile. Alors une fois mon ventre rempli, je sentis une grande lassitude m'envahir et m'annihiler tous les muscles et à peine avais-je eu la force de me laver les mains que je m'affalai sur les coussins des tapis et m'enfonçai dans un pesant sommeil. A suivre