Expression n «Etre poète en Irak, en Palestine, au Liban ou en Libye, est-ce possible ? » «Oui, mais en exil pour beaucoup d'entre nous et grâce à Internet», ont témoigné plusieurs poètes présents au festival «Voix de la Méditerranée» qui s'est tenu à Lodève (sud de la France) du 22 au 30 juillet. Le directeur du site et de la revue, Samuel Shimon, assyrien et chrétien, a quitté l'Irak en 1979 «pour aller à Hollywood faire des films». Il raconte avoir connu la prison et la torture en Syrie, au Liban et en Jordanie, où il avait été pris pour un espion. Après Chypre, Aden, Le Caire et Tunis, il est arrivé à Paris en 1985, exilé politique et sans domicile. Son premier roman autobiographique, Un Irakien à Paris, est paru en 2005. «L'Irak est la terre de la poésie depuis des millénaires, mais peut-être que les poètes les plus significatifs sont en exil», soupire-t-il. «Grâce à Internet, je reçois des œuvres de mes compatriotes qui sont à Bagdad ou ailleurs. Là-bas, il y a les bombes, la guerre, rien à manger, pas d'électricité, pas d'argent ni de travail. D'ordinaire, ils aiment beaucoup pleurer. Là ils pleurent doublement, c'est la poésie de la misère», ajoute-t-il. Nujoom Alghanem, 44 ans, des Emirats arabes unis, a dû d'abord se marier avant d'aller étudier à l'étranger. Elle a publié cinq recueils de poèmes, édités au Liban. «Notre liberté est contrainte par la vie sociale, les traditions : il ne faut pas attaquer la religion et la vie n'est pas orientée vers la créativité : il y a le foot, la télévision, le cinéma, le shopping, le travail qui absorbent les gens plus que la lecture», déplore-t-elle. Le Palestinien Jihad Hudaib, 39 ans, se félicite, lui aussi, que «des sites Internet publient de jeunes auteurs de son pays». «En guerre ou pas, nous pensons, travaillons comme n'importe quel autre peuple. Il y a toujours une nouvelle génération qui sait capter l'ironie des situations», souligne-t-il. «Les poètes souffrent pour changer le monde car ils ne sont pas satisfaits de ce qu'ils voient», affirme le poète libyen Idris Tayeb, qui a connu les geôles de son pays pendant dix ans. «En prison, je n'avais pas de papier, pas de stylo, juste deux couvertures. J'écrivais dans ma tête et je mémorisais tout. C'était difficile de trouver un éditeur, alors je suis allé au Caire.»