Résumé de la 155e partie n La naïveté d'Aziz le conduit à son emprisonnement. Une prison où tous ses vœux se réalisent. Mais ses pensées vont vers la fille de Dalila-la-Rouée. Ce qui lui est interdit. Alors moi je soupirai : «Il n'y a de recours et de puissance qu'en Allah !» Elle dit : «Mais de quoi te plains-tu donc, imbécile ? Et qu'as-tu à soupirer, du moment que tu m'as donné les preuves de ton savoir dans ce métier du coq dont nous nous entretenions hier encore !» Et elle se mit à rire. Et moi aussi je me mis à rire. Et je ne pus alors que lui obéir et me conformer à ses désirs. Je restai donc dans cette demeure à exercer mon métier de coq, à manger, à boire, durant la longueur d'une année entière de douze mois. Aussi, au bout de l'année, elle était bien fécondée et accouchait d'un enfant. Et c'est alors seulement que, pour la première fois, j'entendis le bruit de la porte qui criait sur ses gonds. Et dans mon âme je poussai un profond «Ya Allah !» de délivrance. Une fois la porte ouverte, je vis entrer une quantité de serviteurs et de porteurs qui venaient chargés de nourritures fraîches pour l'année suivante : des charges entières de pâtisseries, de farine, de sucre et autres provisions de ce genre. Alors moi je bondis et voulus m'en aller au plus vite vers la rue et la liberté. Mais elle me retint par le pan de ma robe et me dit : «Aziz, ingrat Aziz, attends au moins, jusqu'au soir, l'heure exacte où tu es entré chez moi il y a un an !» Et moi je voulus bien patienter encore. Mais à peine le soir venu, je me levai et me dirigeai vers la porte. Alors elle m'accompagna jusqu'au seuil et ne me laissa partir que lorsqu'elle m'eut fait faire le serment de retourner chez elle avant que la porte ne fût refermée, au matin. Et je ne pouvais d'ailleurs que m'exécuter, car je lui prêtai serment sur le Glaive du Prophète (sur lui la paix et la prière !), sur le Livre et sur le Divorce ! Je sortis donc enfin et me dirigeai en hâte vers la maison de mes parents, mais en passant par le jardin de mon amie, celle que ma nouvelle épouse appelait la fille de Dalila-la-Rouée. Et, à ma surprise extrême, je vis que le jardin était ouvert, comme d'habitude avec, au fond des bosquets, allumée, la lanterne. Alors je fus péniblement affecté et même bien furieux ; et je dis en mon âme... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut. Quand vint le soir, elle dit : Alors je fus péniblement affecté et même bien furieux ; et je dis en mon âme : «Voilà déjà un an que je suis absent de ce lieu ; et j'arrive à l'improviste et je trouve toute chose comme par le passé ! Eh bien Aziz, il te faut, avant d'aller revoir ta mère qui doit te pleurer comme mort, savoir ce qu'est devenue ton ancienne amoureuse. Qui sait ce qui a pu se passer depuis le temps !» Je me mis aussitôt à marcher très vite et, arrivé à la salle à la voûte d'entrée, à la coupole d'ébène et d'ivoire, j'y pénétrai vivement. Et je trouvai mon amie elle-même assise dans une pose courbée, la tête penchée vers les genoux, et une main sur l'une de ses joues ; et son teint, qu'il était changé ! Ses yeux étaient humides de larmes et son visage, si triste ! Et soudain elle me vit devant elle. Et elle sursauta, puis essaya de se lever, mais elle retomba d'émotion. Enfin elle put parler et me dit d'un ton pénétré : «Louange à Allah pour ton arrivée, ô Aziz !» Or, moi, vraiment, devant cette joie inconsciente de mes infidélités, je fus extrêmement confus et je baissai la tête ; mais je ne tardai pas à m'avancer vers mon amie et, l'ayant embrassée je lui dis : «Comment as-tu pu deviner ma venue ce soir ?» (à suivre...)