Victimes d?une bureaucratie tatillonne et inefficace, les salles de cinéma de la capitale auront connu un naufrage fracassant. Subissant les affres du temps, elles ont disparu l?une après l?autre dans une indifférence surprenante. On imagine avec peine ce que furent le Majectic, le Versailles ou L?Empire, des lieux de divertissement et de culture ouverts sur le monde, où le confort n?était pas un vain mot. Pour rappel, notons qu?Alger disposait de 54 salles de projection cinématographique à l?Indépendance. Aujourd?hui, il n?en reste presque rien. Un gâchis énorme que même l?impéritie et l?incompétence ne peuvent expliquer. Au commencement, il y eut ce fameux décret n° 64-241 du 9 octobre 1964 qui stipulait que les salles de cinéma devaient être cédées par l?Etat aux APC. Le législateur a, en fait, ouvert la boîte de Pandore, puisque le tout-Etat omniscient et omnipotent avoue ses limites. Certes, les pouvoirs publics ont tenté de redresser la barre en promulguant, en 1983, une circulaire interministérielle (Culture, Finances, Intérieur) autorisant les particuliers à gérer ou à louer les salles obscures. Mais le mal était fait. Le nombre de salles a considérablement baissé. L?investissement faisant défaut, la prolifération des antennes paraboliques, le recours au système de projection vidéo sont autant de coups de boutoir assénés à une activité terrassée par la gabegie. Il faut dire aussi que l?exploitation des salles de spectacles confiées (excusez l?expression) à des ribauds patauds n?est pas faite pour préserver le faste d?antan puisque ces salles se sont transformées en tavernes crottées ou en foires aux harengs. C?est la rançon de l?improvisation. Le propos maintenant n?est pas de gémir sur la splendeur du passé. Des remèdes urgents sont nécessaires pour rattraper le temps perdu. L?équation est simple : il faut de belles salles pour projeter de beaux films, restructurer et réaménager de nouveaux espaces. La renaissance des salles de cinéma est tributaire, évidemment, de la prise en charge globale du secteur de la cinématographie. C?est une gageure. L?idéal serait que le privé et l?Etat puissent, d?un effort commun, y contribuer pour le bien des cinéphiles.