Mission n Le jury de la 63e Mostra, présidé par Catherine Deneuve, doit trouver un successeur à Brokeback mountain du réalisateur taïwanais Ang Lee, couronné l'an dernier. Parmi les 21 films en lice, c'est The Queen, portrait irrévérencieux de la famille royale britannique par le cinéaste Stephen Frears qui a fait exploser l'applaudimètre, avec 15 minutes d'ovation après sa projection. Le film était, en outre, le favori du public, selon les échos du festival, et le nom d'Helen Mirren, qui incarne avec une vérité saisissante Elisabeth II, était déjà évoqué pour le prix d'interprétation (Coupe Volpi). Mais Children of men, du Mexicain Alfonso Cuaron, vision hallucinée d'un monde où riches et pauvres se livrent une guerre sans merci, s'est affirmé comme l'une des réalisations les plus ambitieuses et originales de la 63e Mostra. Que serait le monde «sans les voix des enfants» ? Un monde apocalyptique où l'Occident opulent et égoïste ferait une guerre totale au reste du monde, mitraillettes, barbelés et chars à l'appui, le condamnant au chaos ? Telle est la question que pose Alfonso Cuaron. Plus intimiste, Cœurs d'Alain Resnais, comédie mélancolique et onirique sur le thème de la solitude, était, lui aussi, vu comme un Lion d'Or potentiel. Ovationné par le public du palais du cinéma, Cœurs, dont la délicate poésie a été unanimement saluée, était le favori de la critique. Quarante-cinq ans après L'Année dernière à Marienbad, couronné d'un Lion d'Or en 1961, le metteur en scène, âgé de 84 ans, caché derrière des lunettes noires, pourrait, selon certains, recevoir à nouveau le prestigieux prix. Parmi les autres films remarqués, Zwartoek (Le livre noir), de Paul Verhoeven, chronique en clair-obscur des turpitudes commises par la résistance néerlandaise à la fin de l'occupation nazie, a déchaîné les passions, certains adorant le film et d'autres, à l'instar du quotidien Corriere della Sera, l'accusant de révisionnisme. Le cinéaste néerlandais (Basic instinct, Robocop) a affirmé avoir voulu, avec Zwartboek, «corriger» ce qu'il exprimait dans son film Soldaat Van Oranje en 1977, dans lequel «on ne voit que le côté héroïque de la guerre. Dans celui-ci, on ne voit que le côté sombre», a-t-il dit. Le Tchad, représenté à Venise avec Daratt (Saison sèche), de Mahamat-Saleh Haroun, a également marqué la Mostra, qui accueille pour la première fois en compétition officielle un long-métrage de ce pays. Daratt raconte la poignante histoire d'Atim, jeune garçon de 16 ans que son grand-père envoie, muni d'une arme à feu, abattre celui qui a tué son père pendant la guerre civile qui ravage le Tchad depuis 1965. Le film a beaucoup touché le public.