Mémoire n Le cinéma est resté longtemps loin du drame, observant le silence et demeurant distant d'une réalité que l'on ne peut ignorer, une époque jugée charnière dans l'histoire de l'Algérie. Après la littérature, le cinéma commence, bien plus tard, à s'intéresser aux faits qui ont marqué au fer rouge l'Algérie pendant les années 1990, une décennie noire dont seule l'écriture romanesque s'est attelée à témoigner tout au début de la tragédie. C'est parce que montrer, raconter en image le terrorisme était considéré comme un tabou, quelque chose qu'il ne fallait pas dévoiler de crainte de heurter la sensibilité du public. L'image montre des scènes franches, incisives et violentes qui, choquantes, nous prennent sur le vif. En outre, le terrorisme n'est pas un sujet de discussion, ce n'est pas un passé qu'on a envie de se rappeler, car ce serait se rappeler les souffrances, le sang des instants de terreur et de suspicion. Ainsi, longtemps, le cinéma se tenait loin du drame, observait le silence et demeurait distant d'une réalité que l'on ne peut ignorer, une époque jugée charnière dans l'histoire de l'Algérie. Mais l'on ne peut demeurer continuellement désinvolte envers notre propre vécu. D'où le souci de nombreux cinéastes, soucieux de consigner en images ce pan de notre histoire. Ce souci commençait à se manifester chez les cinéastes avec ce que le politiquement correct appelle par «le retour au calme et à la stabilité». Merzak Allouache est le premier réalisateur à se frayer un chemin dans cette aventure cinématographique avec L'Autre monde réalisé en 2001. Il aborde un sujet sensible : la désertion de militaires algériens (des appelés) en vue d'échapper à la menace terroriste. Vient plus tard Yamina Bachir Chouikh qui, en 2002, réalise Rachida. La cinéaste transgresse un tabou : évoquer en images les massacres collectifs. Autant d'émotion que d'indignation. Pour sa part, Nadir Moknèche, dans Viva l'Aldjérie, se contente d'évoquer un après-terrorisme avec un clin d'œil à un passé que la société civile cherche par tous les moyens, même par l'alcool et la drogue, à oublier. Belkacem Hadjadj, quant à lui, s'intéresse, dans El Manara à la veille et au commencement du terrorisme. Il illustre d'une façon saillante le vécu et, par des scènes suggestives, il évoque les viols des jeunes femmes que les terroristes enlevaient dans les faux barrages. Barakat, réalisé par Djamila Sahraoui, explore, de son côté, la tragédie nationale avec un imaginaire singulièrement typique. Et enfin, Morituri, adapté du roman de Yasmina Khadra (portant le même titre) par Touita Okacha, se situe au cœur même du terrorisme. Il axe son œil optique sur une société terrorisée, secouée quotidiennement par les attentats aux voitures piégées et par l'assassinat des intellectuels. Ainsi, autant de films qui, d'une manière comme d'une autre, se sont intéressés à la tragédie algérienne et se sont penchés sur la question. Chacun a abordé ce vécu encore présent – et cela inconsciemment – dans notre vie quotidienne, un passé que nous refusons de regarder en face même si l'on en parle, bien que timidement comme s'il s'agissait d'un interdit.