L'œil est encore le symbole de la conscience, celle de l'individu, mais aussi, à un degré supérieur celle de la divinité qui regarde les hommes et surveille leurs actions. On se rappelle le beau poème de Victor Hugo, dans La légende des siècles, évoquant le crime de Caïn : après avoir tué son frère, Abel, Caïn, pris de remords, fuit le monde et les hommes. Mais partout où il va, un œil le poursuit et le regarde, lui rappelant son meurtre. C'est alors, que ne trouvant plus où se cacher, il décide de se creuser un refuge sous terre : ce sera la première tombe, mais une fois enfoui sous terre, alors qu'il croyait avoir échappé à l'œil «l'œil était dans la tombe et regardait Caïn». Dans la tradition musulmane, on rapporte l'histoire du saint soufi qui, voulant éprouver ses jeunes disciples, remet à chacun d'eux un poulet et lui dit : «tiens, va dans un endroit où personne ne peut te voir et égorge l'animal.» Quelques instants après, les jeunes garçons reviennent avec leurs poulets égorgés, à l'exception de l'un d' eux. «Et toi, lui demande le cheikh, pourquoi n'as-tu pas égorgé ton poulet, comme les autres ?» Le jeune garçon lui répond : «Tu as dit qu'il fallait égorger l'animal dans un endroit où personne ne peut me voir, or, partout où je me suis rendu, je me suis aperçu que Dieu me regardait. Alors, je ne pouvais égorger le poulet !» si Dieu est appelé al Raqîb, Celui qui surveille, c'est parce qu'il embrasse de son regard tout ce qui existe, tout ce qui vit : cela, disent les musulmans pieux, doit inciter les hommes à fuir le mal.