Particularité n C'est un marché réservé aux femmes qui se trouve à Tektaka, une localité rurale de la commune de Chaïba à proximité de Attatba (daïra de Koléa, dans la wilaya de Tipaza). Il fait partie de l'ambiance hebdomadaire que connut le mausolée Sidi Belaïd au milieu des eucalyptus, et qui attirait un afflux considérable de visiteurs des régions éloignées et de plusieurs wilayas, notamment celles du centre. Ces visiteurs, éléments essentiels de la clientèle de souk ensa, y venaient pour bénéficier de la baraka de Sidi Belaïd demandant la guérison de maladies ou de maux. Ce mausolée permettait également aux femmes de sortir de leur routine et de faire leurs courses aisément sans les hommes ! ou tout simplement, pour rencontrer d'autres femmes qu'elles avaient connues durant les «ziaras» les samedi et les mercredi, dans une ambiance très conviviale qui permettait même à ces femmes de danser aux rythmes des chants et des derbouka des «meddahate» qui venaient de temps à autre, nous a appris une vieille femme. Au fil du temps, l'ambiance a peut-être changé dans ce marché où aucun homme n'a le droit d'entrer depuis plus d'un demi-siècle de sa création, mais le cachet typiquement féminin de ce marché désormais appelé «souk ensa» est définitivement ancré. Pendant la décennie noire, des femmes «délalate» furent obligées de sortir vendre ailleurs, à près de 400 m près du stade de Tektaka au bord de la route, à cause d'une bombe que beaucoup de femmes, présentes lors de son explosion, n'arrivent pas encore à oublier. Elles ont été choquées par une autre explosion, cette fois d'une bouteille de gaz butane à côté du stade ! Les deux explosions n'ont fait que des blessés légers notamment quelques vendeuses et un homme qui passait de l'autre côté. Chacune des «délalate» cache au fond de son cœur une histoire de cette vie qui ne leur a malheureusement pas fait beaucoup de cadeaux. Elles sont là malgré le froid, le vent, la chaleur «généralement on ne peut pas s'y installer quand il pleut à cause de la boue. D'ailleurs même les clientes ne viennent pas et préfèrent rester au chaud chez elles !», nous dira l'une d'elles. Chacune d'elles représente une vie propre à elle…chacune est un cas social à part entière. Les unes nous font des confidences sur une tranche de leur vie, les autres nous refoulent, en nous prenant pour des contrôleurs ou d'après leur expression «al hkouma» qui vient voir comment se débarrasser de leur marché informel. «Vous êtes là pour souk el- fawdaoui ?», demandera l'une d'un ton sévère et coléreux «on ne vend que chiffoune, Klitouna», s'énervera-t-elle Une autre voix vient de loin au même rythme que celui des vendeurs d'eau de Javel dans nos quartiers populaires «Aywe Ellouz (les amandes),» «continire wssale» (le conteneur est arrivé !!», criera-t-elle. Façon de nous dire «Laissez-nous tranquilles, allez voir ceux qui ramènent de la marchandise dans des conteneurs..» Elles avaient été menacées directement de vive voix par des terroristes nous ont-elles raconté… Mais elles sont toujours là et vendent toujours. Même si ce n'est pas facile pour une femme de se retrouver du jour au lendemain obligée de sortir travailler, quand son mari meurt ou qu'elle divorce et que tout lui tombe sur la tête !!!