Fatma qui a eu 89 ans en janvier nous accueille dans sa modeste chambre. Assise sur son lit, le henné aux deux mains, Khalti Fatma n'hésite pas une seconde à se remémorer ses expériences dans le commerce à Sidi Belaïd dans les moindres détails. Elle se souvient de tout, notamment des quatre femmes qui s'étaient jointes à elle pour vendre des tissus, des gâteaux ou des bonbons. Khalti Fatma était la première femme à avoir étalé sa modeste marchandise pour la vendre par terre. Elle a accepté de nous accorder cette interview. InfoSoir : Quand avez-vous commencé à vendre à Sidi Belaïd ? ll Khalti Fatma : Bien avant l'indépendance, en 1958. Comment avez-vous eu l'idée de vendre ? ll Au début, je n'avais pas l'intention de vendre, mais c'était juste pour tenir compagnie à Lala Z'hor, à Sidi Belaïd après la disparition de son défunt mari Si El-Bachir. Puis j'ai eu l'idée, grâce à mon défunt époux, de vendre quelques bonbons et des gâteaux. Donc par rapport aux femmes actuelles, vous avez eu la chance d'avoir été épaulée par votre mari. ll Mon mari ne refusait jamais que je sorte surtout avec Lala Z'hor à qui il faisait entièrement confiance. Il m'encourageait à l'accompagner et m'attendait au retour. Je vendais même à la zaouïa aux environs de Rahmane (Attatba) où était organisé chaque année Raleb el Megharba de Moulay Tayeb. Que vendiez-vous ? ll Le panier sur la tête, je prenais à souk ensa de Sidi Belaïd des brioches que je préparais, des bonbons, des gâteaux puis je vendais des morceaux de tissu ettraf que j'achetais à Blida. Selon la demande, je prenais ces coupons à une amie couturière pour me confectionner des robes longues djebbate, gandouras ou kassakate (liquettes) pour les femmes âgées. Comment vous débrouilliez-vous avec vos clients ? ll «Nass bekri machi ki dourka». On recevait des clientes généralement celles originaires des douars haouch relevant de Attatba, Mouzaïa, Tipaza… et de partout. Elles n'hésitaient pas à venir acheter chez nous car on vendait à crédit. Et moi je ne vendais qu'à celles que Lala Z'hor connaissait. Et avec les vendeuses ? ll «Yahasrah ala lahbabe», Kheira, Bakhta..., soupira-t-elle. Chacune avait sa place. Nous nous entendions à merveille. Quand l'une s'absentait, on s'inquiétait pour elle. Mais comment ces femmes avaient commencé à vendre avec vous ? ll La ziara tous les samedi et mercredi. Les femmes qui vendaient les lundi et mardi à Sidi Abdelkader à Fouka venaient vendre avec nous. Même des clientes se sont transformées en vendeuses. La majorité, qui avait perdu leur mari avant l'indépendance, devait travailler.