Avant la lecture des chiffres et bilans, les différentes brigades de la gendarmerie avaient effectué hier des descentes inopinées sur le terrain. 16h 50, une dizaine de Patrol Nissan, vert et blanc, sortaient en même temps du QG de Bab Jd'id, sur les hauteurs d'Alger. Scindés en petits groupes, gendarmes et journalistes prenaient des directions différentes. Topographiquement, la carte de la petite criminalité était établie au préalable. Baraki, Bir-Mourad-Raïs, Zéralda, Bou- Ismaïl sont choisis comme des foyers à «explorer». Dans les gros engins, on n'entend que le crépitement de la radio. «A vous, haouel», lance-t-on par intermittence et à chaque instant. Le travail de transmission battait son plein. Dans chaque destination, des brigades locales sont mobilisées. Ce sont ces brigades, habituées à faire des descentes fréquentes qui allaient mener le travail de fourmi sur le terrain, à la quête des «ghettos» impénétrables et devenus par malheur source de hantise pour des habitants qui ne savent plus à quel saint se vouer. La forêt vierge de Ouled El-Hadj, à mi-chemin entre Bab Ali, Saoula et Baraki sera la première à être explorée. Rien que des buissons et un relief accidenté avec un décor de bidonvilles à perte de vue. «C'est le grand Canyon», plaisante un riverain, menuisier de profession, comme bon nombre des citoyens du petit village réputé pour son hêtre vendu bon marché. «Dans cette forêt, vendeurs et acheteurs de kif se croisent chaque jour. La marchandise arrive de Oued El-Kerma. Il y a quinze jours, nous avons effectué une descente. Quatre jeunes s'y adonnaient au kif. A notre vue, ils ont pris la clé des champs. Evidemment, un guetteur, un complice les a mis en garde dès notre arrivée», nous relatait le chef du groupement de la brigade de Bir-Mourad-Raïs. Sur les lieux, trois jeunes, vêtus presque de la même manière. Ils ont les yeux fardés de khôl, trois lettres de tatouage à la main (MAT) et entourés d'une dizaine de canettes de bière cabossées. «Vos papiers!» leur exige un gendarme, un berger allemand devant ses bottes. «Mais on n'a rien fait hadarat», tentera de baratiner le moins étourdi des trois.