La «leçon» turque aurait pesé dans le choix du moment pour l?appel du président. En évoquant la question de l?abolition de la peine de mort, Bouteflika adressait deux signaux forts. Le premier, pour la consommation interne, en exhortant en décodé le «microcosme» politique national à une implication directe, mais surtout révisionniste de la gestion des tendances lourdes. Et le second consiste à donner des assurances aux partenaires économiques étrangers et aplanir, pas à pas, les différends qui subsistent sur le chemin de l?accord d?association entre l?Algérie et l?Union européenne, avec comme première pierre d?achoppement l?épineux problème des droits de l?Homme. Un sujet sur lequel les Européens se sont toujours montrés intransigeants, comme le laisse apparaître leur niet catégorique imposé à la candidature de la Turquie et des Républiques de l?ex-Yougoslavie pour leur adhésion à l?UE. Les partisans de ce «révisionnisme» savent pertinemment que, par effet d?entraînement, c?est pratiquement tout l?arsenal juridique en Algérie qui devra opérer sa propre mue. Celle-ci pourrait, de la sorte, donner plus de consistance à tout ce qui a été entrepris jusqu?à l?heure actuelle sur ce registre précis. Les efforts consentis par la commission de la réforme de la justice, présidée par Mohand Issad, auront tardé à porter ses fruits avec les piles de dossiers de première importance rangés dans les tiroirs ; donc les choses n?ont pas changé d?un iota. Faisant du partenariat entre les deux rives de la Méditerranée son credo, à quelques encablures seulement du début de la grande course de la présidentielle 2004, Abdelaziz Bouteflika entend surtout mettre du baume au c?ur à une UE visiblement récalcitrante, quand il s?agissait d?évoquer la problématique des droits de l?Homme, considérés par les observateurs avisés comme la pierre angulaire à toute intégration économique. Assimilant parfaitement les bonnes leçons «turques» qui, faut-il le rappeler, ont causé beaucoup d?ennuis au gouvernement d?Ankara et renvoyant l?hypothétique adhésion de la Turquie à l?UE aux calendes grecques, le président algérien espère, dans ce cas précis, transcender les accrocs de taille et parvenir à enthousiasmer davantage les investisseurs étrangers, les Européens en premier. Pour cela, l?abrogation pure et simple de la peine de mort deviendrait le prélude au grand chantier de la réforme de la justice, qui, dans le discours officiel, est présentée comme le levier indispensable aux autres réformes ; justement ce dont les futurs partenaires ont besoin pour ménager toute forme de hantise et faire le premier pas.