Gain n S'installer devant le siège d'une daïra et proposer des timbres pour passeport à 2 500 DA peut se révéler une affaire parfaitement rentable. Depuis quelques mois, les points de vente habituels des timbres fiscaux (bureaux de poste et recettes des impôts) enregistrent régulièrement des ruptures de stock donnant lieu, comme à chaque fois qu'une pénurie est constatée, à l'apparition d'un marché parallèle. Des kiosques, nullement habilités à faire dans le commerce de la monnaie scripturale nationale, ont sauté sur l'occasion, proposant les timbres, introuvables, à des prix nettement supérieurs à leur valeur faciale. Exigés pour la délivrance de nombreux documents administratifs (passeport, carte d'identité, permis de conduire, certificat de nationalité, casier judiciaire…) ou pour l'acquittement de certaines taxes ou amendes (procès-verbaux dressés pour infractions au Code de la route…), les timbres fiscaux revêtent un caractère obligatoire et les citoyens, mis devant le fait accompli, n'ont d'autre choix que de les acquérir, quel que soit le supplément à payer. Parfois, les usagers n'ayant pas trouvé une certaine catégorie de timbres sont même obligés d'en acheter d'autres d'une valeur plus élevée et, bien entendu, la monnaie n'est pas rendue… Les revendeurs illégaux ont fini même par se spécialiser selon leur emplacement. Ainsi, les kiosques situés, par exemple, devant un tribunal écoulent surtout des timbres de vingt ou trente dinars nécessaires pour se faire délivrer un casier judiciaire ou un certificat de nationalité. A proximité d'un siège de daïra, l'affaire est plus rentable puisque les timbres demandés sont d'une valeur faciale nettement supérieure, notamment ceux du permis de conduire et du passeport, soit 200 et 2 000 DA respectivement. Devant la persistance de la pénurie et l'indifférence des autorités, de nombreux jeunes chômeurs ont acquis les accessoires de plastification de documents pour s'installer devant les sièges des administrations, comme leurs «collègues» vendeurs de cigarettes le font devant les cafés maures. Ainsi, avant de vous plastifier votre tout nouveau permis de conduire, le revendeur se chargera, d'abord, de vous refiler le timbre nécessaire à son obtention, pour un prix majoré, soit 250 ou 300 DA. Concernant justement la majoration illégale appliquée, elle varie, selon les témoignages de nombreux citoyens, de 10 à 50 %. Pour les timbres à faible valeur faciale, le prix passe carrément du simple au double. Le phénomène est accentué, selon de nombreux observateurs, par le fait que la pénurie des timbres est enregistrée avec acuité dans les agences postales, bien plus qu'au niveau des recettes des impôts. Or, tout le monde sait que les bureaux de poste sont les plus proches des citoyens puisqu'on en trouve un dans chaque localité du pays. Du reste, de nombreux usagers ne sont même pas au courant qu'ils peuvent acquérir les timbres dans n'importe quelle recette des impôts. Il n'empêche que les autorités ont tardé à réagir et le trafic a continué son petit bonhomme de chemin. Et tant que tout le monde y trouvait son compte, il a été considéré d'une banalité comparable à celle de la revente en noir des produits de la Snta ou de quelques documents administratifs. Jusqu'à ce que des réseaux de faussaires se soient mis de la partie, donnant au phénomène les allures d'une atteinte grave à l'économie nationale.