Mutation n Les nouvelles façons de penser et de vivre que subit notre société ont, totalement, fait basculer les fondements de la famille traditionnelle. Jadis vécue comme un phénomène social subi, sous le contrôle strict de valeurs et de normes traditionnelles, «la procréation est de nos jours, de plus en plus intégrée à un processus de décision et de planification fondé sur la rationalité des couples et inspiré par la recherche du bien être», explique M. Yelles, démographe et expert en matière de planification familiale. La liberté reproductive entendue dans son double sens d'accès à la contraception et de liberté de choix est, aujourd'hui, consacrée par les conférences mondiales notamment la Conférence internationale sur la population et le développement tenue au Caire en 1994. Dans ce contexte, il estime que l'avortement peut-être considéré «au mieux comme un facteur, en dernière instance, de régulation de la fécondité afin d'ajuster la descendance effective, réelle de celle désirée et au pire comme un ersatz de contraception». L'avortement provoqué a souvent été incriminé comme ayant un impact négatif sur la santé tant de la femme que celle des enfants à naître et par conséquent sur la planification familiale d'une manière générale. Concernant la santé de la femme, «l'avortement volontaire serait responsable de l'augmentation de la fréquence des avortements spontanés (fausse-couche) et favoriserait la stérilité secondaire. S'agissant de la santé des enfants à naître, l'avortement volontaire serait responsable de morbidité et de mortalité périnatale élevée. Et lorsque cet acte est clandestin, l'avortement peut comporter des risques pour la santé de la femme et le niveau très élevé de la mortalité maternelle», a tenu à faire remarquer notre interlocuteur. Notre démographe relève, enfin, qu'en Algérie si la planification familiale a fait d'énormes progrès grâce au processus d'émancipation et de modernisation sociale entamé depuis l'indépendance, il reste que la pratique contraceptive, à l'instar de beaucoup d'autres pays n'est pas d'une efficacité absolue. A noter que le taux de prévalence contraceptive était en 2005 de 52 % en méthode moderne en Algérie. Devant ces chiffres, le recours à l'avortement légal ou clandestin restera sans doute pour longtemps encore l'unique alternatif face à une situation de grossesse non désirée, quel qu'en soit le motif, conclut-il.