Doutes n Aime-t-il encore sa femme ? A vrai dire, il n'en sait trop rien. «Dix ans déjà. ? peine croyable !» Ajustant sa cravate, Samir se sent plutôt nerveux. C'est la première fois que Nadia et lui fêtent leur anniversaire de mariage. De toutes ses forces, il se met à souhaiter que la cérémonie se passe bien et surtout que tous les invités viennent. «Alors comment me trouves-tu ?» Samir se retourne et émet un sifflement «ravissante ma chérie !» Pivotant devant lui avec un brin de coquetterie, la jeune femme s'approche et fait mine d'inspecter la toilette de son mari. Effleurant à peine les lèvres de sa femme avec les siennes, Samir soupire : «Tu crois que cela va bien se passer ?» «Mais oui ne t'inquiète pas.» Regardant Nadia, Samir se surprend à s'interroger pour la énième fois sur ce qu'était devenue la belle jeune fille romantique qu'il avait tant aimée et épousée dix ans auparavant. ?videmment, les années ont laissé leur empreinte. Lui-même n'est plus ce qu'il était. Mais il n'y avait pas que cela, se dit-il encore une fois avec le même regret. Sa Nadia à lui était d'un romantisme et d'une sensualité qu'il ne retrouvait plus. L'aime-t-elle encore ? Se reprenant, il se dit qu'il devrait d'abord s'interroger sur ses propres sentiments. L'aime-t-il toujours ? A vrai dire, il se sent incapable de répondre à la question. Il lui arrive souvent de s'interroger sur la façon dont les couples continuent à s'aimer des années après le mariage. Le concernant, il ne peut même plus dire qu'il discute encore avec son épouse. Leur vie n'est pas particulièrement malheureuse en ce sens qu'ils ne se disputent pratiquement jamais. Non, pas parce qu'ils s'entendent sur tout, mais parce qu'ils se parlent très peu. Après tout, c'est peut-être une situation normale pour un couple ayant atteint la quarantaine et avec trois enfants. «Veux-tu revenir sur terre s'il te plaît ? Sur quelle planète, as-tu atterri encore ?» Confus, Samir balbutie des excuses et, prenant sa femme par le bras, il la mène vers la sortie. «Que font les enfants ?» interroge-t-il en descendant les escaliers avec elle pour se rendre au salon au rez-de-chaussée. Sara révise ses leçons dans sa chambre. Quant aux garçons, ils doivent certainement être devant la télévision comme d'habitude. «Je ne veux pas qu'ils veillent trop. Ils peuvent rester avec nous un moment, mais pas trop longtemps.» La sonnette de la porte d'entrée retentit et met fin à la discussion. Dévalant les escaliers à toute vitesse, Sara se dirige vers la porte en criant : «C'est moi qui ouvre.» Les premiers invités commencent à affluer. D'autres suivent et encore d'autres. En fait, toutes les personnes invitées répondront présent. Agréables, détendues, les heures défilent dans une ambiance bon enfant. Le buffet est un vrai succès. La musique satisfait tous les goûts. Samir a pourtant l'impression de n'avoir pas invité tout ce monde. Il y avait ses amis et ses collègues de l'hôpital, ceux de sa femme du lycée où elle enseigne, mais il y avait des gens qu'il ne connaissait pas. «Tiens, cet homme par exemple, se dit-il regardant de loin un quadragénaire, sa tête ne m'est pas inconnue mais je n'arrive pas à me rappeler qui il est. Et puis cette jeune fille, elle en revanche, sûr de ne pas la connaître.» Comme si elle avait senti son regard peser sur elle, la jeune fille lève les yeux. Leurs regards se croisent car ni elle ni lui n'arrivent ou ne veulent détacher leurs yeux. (à suivre...)