Rencontre n Le 1er colloque international sur les écrivains arabes en exil s'est ouvert, hier, dimanche, à la Bibliothèque nationale. L'objectif de cette rencontre consiste à rendre compte de cette littérature, dite dans la langue de l'autre, dite en anglais ou en français, en italien ou en espagnol, en portugais ou en allemand…, littérature souvent ignorée, niée ou reniée comme telle, mais qui se veut, en dépit de sa particularité linguistique, partie intégrante de cette grande littérature arabe. «Elle fait partie de ce grand paysage littéraire et intellectuel arabe», a souligné Amin Zaoui, directeur de la Bibliothèque nationale, avant d'ajouter que «ces écrivains ont porté et portent le monde arabe dans des langues différentes». Il a également relevé que «cette littérature est née de l'exil dans l'exil et dans la langue du pays d'accueil.» Cette littérature, selon l'intervenant, dit l'éloignement, la rupture, la souffrance mais aussi le rêve. «Ces écrivains ont quitté leur pays parce qu'ils étaient contraints de le faire. Ils l'ont fait pour fuir leur régime politique, en quête de liberté, pour dire en toute liberté leur différence», a souligné Amin Zaoui, pour qui «ces écrivains sont des bâtisseurs d'une nouvelle littérature, donc d'un nouvel imaginaire et d'une esthétique nouvelle.» Cette littérature dite de l'exil tisse dans la différence et linguistique et esthétique de nouveaux rapports avec le monde, l'autre, le différent. Amin Zaoui a préconisé la nécessité de créer un lobby intellectuel arabe. «Nous avons pensé à créer un lobby arabe d'intellectuels capable de changer, voire de donner la vraie image du monde arabe». Abdenabi Thaker, universitaire marocain, a, pour sa part, estimé que «la littérature de l'exil constitue un visage honorable de la mondialisation» et cela dans la mesure où il s'agit d'une littérature qui a su, d'une part, créer une spécificité et, d'autre part, réagir contre la mondialisation en s'y adaptant d'une façon équilibrée sans pour autant renoncer à son identité ni à sa personnalité.«C'est un acquis, une valeur complémentaire à la littérature arabe d'une manière générale. Ce n'est pas parce que ce qui se fait et s'écrit dans des langues différentes veut systématiquement dire que cette littérature appartient à l'autre. Mais bien au contraire, la littérature de l'exil vient s'ajouter à l'imaginaire arabe. C'est aussi une littérature qui présente un lien entre ici et là-bas, entre le même et l'autre.» C'est-à-dire entre l'entre-deux cultures. Pour le directeur de la première revue spécialisée dans la traduction d'œuvres littéraires arabes en allemand, Hossein Hamad qui réside en Suisse, il est nécessaire d'accorder davantage d'intérêt à la littérature algérienne notamment à travers la traduction vers des langues autres que le français et l'arabe. l Ce colloque rend compte, dans un premier temps, de l'existence d'une littérature arabe différente de celle à laquelle nous sommes habitués, une littérature dite dans des langues différentes. Dans cette littérature, l'écriture ne peut être refoulée, censurée, verrouillée, mais se dit d'une manière comme d'une autre, ici comme ailleurs, au-delà de toutes les frontières, de tous les interdits – politique, social ou religieux. L'écriture en quête continuelle de liberté n'a pas de frontières ; pour se produire, se régénérer, elle cherche d'autres espaces favorables également à son épanouissement, même si ces lieux du «dit» sont loin, différents de son environnement originel. L'écriture de l'exil, c'est l'écriture de la différence, mais aussi d'une quête, celle de la continuité, donc de la liberté. L'écriture s'exile pour vivre et marquer sa présence dans l'espace et le temps. Elle s'exile pour se libérer.