Ecriture n Tout commence lorsque l'homme, seul et pensif, voit apparaître, dans le ciel, un nuage. «Iqrâa'ni» est l'intitulé d'un texte poétique écrit par Hakim Djendi et paru aux éditions Lambda. Un texte traduit du silence : il est l'expression d'une sensibilité intérieure. C'est un texte en prose mais qui abonde en émotivité et en intuition poétique. Il retrace le périple, l'aventure d'un homme – pareil aux autres hommes – qui, perdu et contemplatif, va, d'un lieu à l'autre, d'une rencontre à l'autre, à la recherche d'un semblant de réponse. Tout commence lorsque l'homme, seul et pensif, voit apparaître, dans le ciel, un nuage ; celui-ci prend la forme d'el alif. El hamza, comme une goutte, s'échappe du nuage et tombe sur la terre. L'homme intrigué par cette curieuse apparition, quitte le rocher sur lequel il méditait et s'en va aussitôt au lieu où la consonne est tombée : «Une gerbe de lettres arabes jaillit de la terre et un arbre s'élève vers le ciel, il se déploie avec vigueur et ses branches, au nombre de sept, s'étendent vers leur bout». Comme attiré instinctivement par cette présence insolite, l'homme décide d'escalader l'arbre, branche par branche, et à chaque étape de son ascension, il fait une rencontre : un vieillard qui pêche avec sa ligne des mots, une femme recouverte d'écritures, un gigantesque fœtus pleurant des lettres, un homme maigre qui produit de l'alphabet, un homme sage préparant de la lettrine. A la sixième branche, l'homme ne trouve rien, juste les lettres-rien tout au plus. Enfin, à la septième branche, il tombe sur une découverte : il distingue les lettres-fruits et qui forment le mot iqtâa'ni. ? chaque étape de son voyage, il espère trouver ce qui l'a motivé à escalader l'arbre, à s'aventurer dans un lieu enchanteur : quérir un semblant de réponse à son existence et la vie d'une manière générale. Iqrâa'ni est un conte didactique imaginé et construit autour de l'alphabet, donc de l'écriture. C'est un exercice de style et une écriture du caractère poétique de l'alphabet arabe. Le texte, accompagné d'illustrations de Mohamed Ould Brahim, apparaît, en arrière-fond, et au-delà du commun visuel, comme un jeu de calligraphie, même s'il se présente dans une architecture phrastique linéaire – et classique. Car si un calligraphe s'emploie à transposer le texte sur la surface d'un tableau, et à l'aide du qalam, s'offre généreusement à nos yeux l'art de former joliment et dans un élan graphique soigné les caractères de l'alphabet arabe.