Le même écriteau partout. «Local à vendre» est une phrase qui orne un grand nombre de locaux commerciaux de part et d'autre de la route qui traverse la commune de Oued Djer. Renseignement pris, le commerce ne rapporte plus comme c'était le cas avant les années 1990 et la période du terrorisme a tué le moindre espoir de résurrection. Pourtant, le village, toujours hanté par les affres des faux barrages mais aussi par les accidents de la route les plus meurtriers, n'est pas un village fantôme. Les camionneurs et les automobilistes n'ont plus cette peur au ventre qui les minait en traversant la route tortueuse où à chaque virage jaillissait la mort. La circulation des gros camions est d'une intensité telle, qu'il est hasardeux de stationner convenablement sur le bas-côté pour aller déguster le foie grillé à la braise qui fait la bonne réputation de la région, au même titre que les figues, les grenadiers, les fraises, et les tajines en argile. Dans ce magma, des enfants en bas âge collectionnent les prouesses pour «refiler» toute sorte de marchandises à des clients qui recommencent à aimer la région, même dans le vacarme des engins et les tintamarres des embouteillages. Ammi Mohamed est l'une des rares personnes à croire pourtant à la pérennité de Oued Djer. «Le terrorisme ne l'a pas tué, ce n'est pas à l'autoroute de l'achever, non !», assure-t-il en homme sage qui veille jalousement sur son grand café retapé à neuf et qui draine jeunes et moins jeunes autour de parties de dominos agrémentées de tournées de thé et de limonade, comme lors des fêtes. Evacuant tout pessimisme, cet homme est persuadé, plus que quiconque, que le passage de l'autoroute à travers le village aura beaucoup plus d'avantages que d'inconvénients qu'on lui prête. Comment ? «Je décelais une certaine frayeur chez les gens, alors j'ai décidé de discuter du sujet avec un ingénieur algérien qui travaille pour le compte d'une société italienne et qui venait fréquemment siroter un thé dans mon café. Ce dernier m'a fait savoir que l'autoroute sera à péage. Autrement dit, beaucoup d'automobilistes devront continuer à emprunter la RN4 qui verra moins de poids lourds dans les deux sens et qui donc sera plus fluide et fréquentable», rassure-t-il. Mieux encore, Ammi Mohamed fait de son mieux, depuis des mois, pour convaincre ses amis commerçants de persévérer, de résister et de ne pas mettre la clé sous le paillasson. «Je leur parle tout le temps mais ils ne veulent rien entendre. Visiblement, ils sont abattus. Ils pensent réellement que l'autoroute sera un vrai rouleau compresseur contre lequel ils ne pourront rien faire. Dommage !»