Impasse n Victimes d'une confiance aveugle placée en des hommes sans scrupule, ces femmes vivent dans l'incertitude la plus totale, le Samu n'étant, en principe, qu'un centre de transit. Les mères célibataires représentent la majorité des femmes prises en charge par le Samu de Dély-Ibrahim. T. est l'une d'entre elles. Elle se dit avoir été victime de sa confiance aveugle en un homme, un ami à son frère, qui venait régulièrement passer les week-ends chez ses parents. T. est charmante, instruite et préparait, à l'époque, ses papiers pour aller en France. «Je sortais avec lui car il avait déclaré à mes parents qu'il allait ramener ses parents et me demander officiellement en mariage. Mes parents étaient au courant de tout, mais ils ne se sont pas opposés, car ils avaient en lui une confiance indéfectible. Tout le monde attendait la fête…» Elle était envahie par les souvenirs. «Un jour, poursuit-elle, je me suis rendu compte que j'étais enceinte. Je l'ai informé, mais il n'a pas voulu reconnaître le fait accompli, m'accusant d'avoir couché avec d'autres et que le bébé n'était certainement pas de lui… C'est là où j'ai pris la décision de quitter le domicile familial pour le SAMU social…» T. prend une pause de quelques secondes, tenant sa tête entre les mains avant de continuer son récit. «J'ai accouché, ici, cela fait presque deux mois. Le bébé est placé dans une pouponnière à El-Biar… Maintenant, je dois rejoindre mon domicile familial car mes parents ignorent l'histoire, croyant que je suis à Alger pour travailler. Je dois le laisser Allah ghaleb…», sanglote T., soutenue par Bahia, la psychologue. Elle a décidé de poursuivre ses démarches pour l'obtention du visa, d'aller vivre en France et ne plus remettre les pieds en Algérie. Une autre mère célibataire est venue nous raconter son histoire, quasiment identique à la précédente ; promesse de mariage, sorties nocturnes…, le bébé et puis le SAMU. Cette dernière, originaire de Dellys, entame sa troisième année à Dély-Ibrahim. «Les mères célibataires viennent régulièrement dans ce centre quelques jours avant l'accouchement et elles continuent à vivre ici de longues années durant… c'est un vrai problème. Le SAMU n'est, donc, plus un centre de transit», souligne Bahia. Les violences familiales ou conjugales viennent en deuxième position des raisons poussant les femmes à venir au SAMU. Des jeunes filles célibataires, femmes mariées avec ou sans enfants sont contraintes de quitter leur domicile, et de rejoindre la «communauté des sans-abri» avant d'être récupérées par les équipes mobiles du SAMU. «Il y a des femmes qui sont là depuis plus de cinq ans avec leurs enfants. On est parvenu à résoudre quelques cas, mais la majorité ne veut plus retourner chez elle et ce, en dépit de l'accord de l'époux ou de la famille», souligne, pour sa part, M. Bayou.