Armelle rentre chez elle après une journée bien remplie. Au bureau, elle n'a pas eu une minute pour souffler et d'autres tâches l'attendent. Dont Baudouin, son gamin de cinq ans. Un vrai petit homme qui l'impressionne déjà par son sérieux. Est-ce qu'à cinq ans on ne devrait pas simplement s'émerveiller de découvrir la vie ? Pourquoi alors Baudouin semble-t-il parfois si profondément perdu dans ses pensées ? Comme s'il réfléchissait au destin du monde. Armelle est presque inquiète. Elle aurait voulu avoir un garçon rieur et plein d'énergie. Baudouin a choisi le genre «philosophe» : on s'attend presque à lui voir arborer une barbe blanche... Mais après tout, ça lui passera. Armelle passe chez elle avant d'aller chercher Baudouin chez ses parents qui assurent sa garde pendant qu'elle est prise par ses activités de secrétaire de direction. Elle consulte le répondeur téléphonique. La lumière rouge clignotante lui indique qu'un message l'attend : «Armelle ! C'est moi, Caroline. Bien sûr, tu es encore au bureau. Sois gentille de me rappeler quand tu rentreras. Bisous ! » Quelques autres appels, mais rien d'urgent ni de très important. Armelle décide d'effacer et note dans un coin de son esprit : rappeler Caroline. A présent, Baudouin est sagement assis près d'elle dans la voiture. Il observe le paysage : — Alors, la journée s'est bien passée chez papy et mamy ? — Oui, mamy m'a fait une tarte aux pommes. C'est bon ! — Et tu as été sage ? Tu ne les as pas fait enrager ? Baudouin regarde sa mère d'un air étonné. Comme s'il était du genre à faire enrager ses grands-parents ! Oui, parfois il lui arrive de taquiner Finette, la vieille chienne épagneule. Mais, sinon, il est toujours sage. Il feuillette ses livres d'images, joue avec ses jeux de constructions, regarde la télévision quand il y a des dessins animés. Et encore pas n'importe lesquels ! — Nous y voilà. Qui va prendre un bon bain bien chaud ? C'est mon petit Baudouin qui s'est bien vautré dans la poussière dans le jardin de mamy ! Le bain, le dîner, et hop ! il est temps de mettre le petit garçon au lit. — Dors bien mon cher et fais de beaux rêves. Je laisse ta petite lampe allumée. Je viendrai l'éteindre plus tard... — Bonne nuit, maman... N'oublie pas de rappeler Caroline. — Oui, je sais, je vais la rappeler. Mais... pourquoi dis-tu ça ? — Sa maison est toute déchirée. Armelle s'arrête, interdite : — Dis donc, toi, mais comment sais-tu que je dois rappeler Caroline ? Quand j'ai eu son message sur le répondeur, tu n'étais pas là. Et je ne t'en ai pas dit un mot. Comment es-tu au courant ? — Je l'ai entendu dans ma tête, maman ! Armelle, un peu perplexe, quitte la chambre et appelle son amie Caroline : — C'est moi. Armelle. J'ai reçu ton message. Rien de grave j'espère ? — Non, mais ça fait un bout de temps qu'on ne s'est pas vues toutes les deux. J'aimerais bien que tu passes à la maison. — Eh bien, si tu veux, je viendrai dimanche prochain avec papa et maman. — Oh non, pas dimanche, ça m'embête. Je suis en plein dans les travaux et la maison est sens dessus-dessous. Je change la tapisserie et il y a des papiers déchirés partout ! — Des papiers déchirés ? Tu as bien dit «déchirés» ? Caroline, as-tu parlé à quelqu'un de ces travaux ? A mes sœurs ou à mes parents ? — A personne. D'ailleurs, ça m'a pris soudain avant-hier... J'en ai eu marre du vieux papier à fleurs ! — Tu sais ce qui m'affole ? Baudouin m'a dit tout à l'heure qu'il fallait que je te rappelle parce que ta maison était toute «déchirée». Tu te rends compte. C'est bizarre, non ? — Bah ! Ce n'est qu'une coïncidence. Il aura entendu ce mot dans la journée à propos d'autre chose et ça lui aura plu. C'est tout ! (à suivre...)