Durant les derniers instants de sa vie, le sidéen algérien est presque livré à lui-même. Les infirmiers, souvent impuissants faute de moyens et de médicaments, se contentent de l?alimenter en sérum, jusqu?à ce que la mort l?emporte. «Je ne peux pas vous décrire cette situation, c?est une agonie prolongée, une épreuve pénible pour lui et pour nous. Lorsqu?il s?éteint, c?est une partie de nous qui s?arrache, car nous nous habituons à nos malades, puisqu?ils suivent un traitement à vie», confie le docteur Z. B., en essuyant les larmes qui ruissellent sur son visage. Elle s?arrête un moment, puis poursuit en poussant un long soupir ressassant de douloureux souvenirs. «Lorsque les premiers malades affluaient à l?hôpital d?El-Kettar, plusieurs médecins et infirmiers ont abandonné leurs blouses blanches, ils se sont sauvés, effrayés par le sida. D?autres encore refusaient sans aucune conscience médicale d?approcher des patients contaminés par voie sexuelle et de leur prodiguer ainsi les soins nécessaires. Ils ont porté des jugements sévères envers eux, même s?ils n?ont aucun droit de le faire. En Algérie, c?est une maladie de la honte, les sidéens contaminés par voie sanguine, parlent plus aisément que ceux qui sont contaminés par voie sexuelle, c?est la question du sida propre et du sida sale». Un quotidien dur pour le personnel médical, qui doit aussi mettre en confiance le malade, pour qu?il s?exprime sans aucune contrainte morale. Ensuite vient une autre étape, également cruciale, consistant à faire accepter la maladie, convaincre le patient de vivre avec et d?accepter de suivre un traitement strict et contraignant et à vie. «Même si, tout au début, nous avons été maladroits, nous avons appris beaucoup sur ce virus, nous avons également suivi des formations à l?étranger, notamment en France. Nous sommes restés, car aujourd?hui, c?est aussi notre combat.»