Clôture n Jeudi à la salle Ibn Zeydoun, la 2e édition du Festival international de musique andalouse et des musiques anciennes s'est clôturé en beauté. La soirée de jeudi sera mémorable puisqu'elle a été animée par l'ensemble de l'Institut national de musique de Tunis, Chabab El Andalous de Rabat et l'Ensemble national algérien de musique andalousienne. C'était une soirée aérée, éclectique, diverse en sonorités, riche en émotions. Elle a réuni trois écoles du Maghreb qui œuvrent dans la préservation et la promotion du patrimoine musical maghrébin. «On a tenté une expérience, celle de se détacher du dogmatique de l'assimilation rigoriste d'un seul modèle de référence», a déclaré Rachid Guerbas, commissaire du festival, ajoutant : «Cette expérience transcende les différentes écoles afin de dégager cette musique des habitudes, des tics, des raideurs et des replis sur soi qui l'empêchent de retrouver sa place dans le concert musical universel.» Ainsi, cette recherche va au-delà des frontières pour mettre à nu les passerelles naturelles qui existent entre les différents patrimoines musicaux maghrébins. La soirée de jeudi a été le fruit de deux résidences de création : la première a réuni l'école algérienne et l'école marocaine, la seconde a associé le patrimoine algérien à l'héritage tunisien. «Nous avons trouvé en Chabab El Andalous de Rabat un précieux partenaire», a relevé le commissaire. Et de faire remarquer : «Ces musiciens ont la même exigence artistique et le même désir de retrouver le fil d'Ariane des créateurs de cette musique. C'est ainsi qu'une première résidence a réuni des musiciens algériens et marocains autour d'un mode commun : le zidan algérien et le hidjaz al kabir marocain. Il s'agit là d'une même réalité modale avec des variantes locales qui apportent une complémentarité riche en nuances. Dans leur enchevêtrement, les deux noubas s'offrent avec grâce leurs enchaînements rythmiques et s'aèrent harmonieusement.» S'agissant de la deuxième résidence de création qui a réuni des musiciens algériens et des musiciens tunisiens, le commissaire du festival a expliqué que «ce projet a été organisé autour d'ouverture et d'ancrage dans la maghrébinité.» «Les musiciens tunisiens ont rejoint leurs partenaires algériens avec le tab'asba'ayan, autre richesse et variation du mode zidan.» Ces deux rencontres se voulaient «un espace de savoir, de patrimoine et d'échange», s'inscrivant dans «une démarche de liberté et de respect où chaque idée s'exprime pour mieux enrichir le groupe afin d'offrir un chant profond et vrai : la nouba.» S'exprimant sur le festival, le commissaire a dit : «Il se veut un lieu de rencontre, d'échange et de partage grâce à une programmation relevée au profit du plus grand nombre. Le partage avec les spectateurs, la volonté de donner à voir et à entendre, mais aussi à réfléchir et à agir motive notre initiative. Nous voulons des spect'acteurs» ! «Cette ambition n'est pas à circonscrire ponctuellement le temps d'un festival, c'est une volonté qui s'exerce en amont et en aval des événements artistiques en vue d'assurer sa pérennité.» l La particularité de ce festival, qui a vu la participation de plusieurs formations musicales, est son caractère international. Outre les associations algériennes qui ont joué un rôle fondamental dans la préservation du legs musical andalousien à l'exemple de Gharnata (Tlemcen), El Andalousia (Constantine), ou encore Djenadia (Boufarik), des interprètes et ensembles étrangers ont marqué, de par leur présence, la scène algéroise. Nasser Shamma (Irak) a enchanté l'assistance avec son jeu au luth en combinant d'anciennes méthodes avec ses propres compositions modernes. Hassan Tabbar (Iran) s'est distingué par une belle performance musicale qui, aussi, a réjoui le public grâce au sentour – instrument de musique typiquement persan semblable au qanûn mais qui se joue avec deux baguettes métalliques – en l'entraînant dans des envolées mélodiques et lui proposant des instants à la fois onirique et plein d'allant, voire de poésie. D'autres ensembles de musique comme le Trio Chagar (France) qui, puisant son inspiration créatrice dans le vivier des musiques populaires, a offert un discours musical riche en émotion, caractérisé par une sonorités homogène et généreuse. Orphéon (Autriche) a gratifié le public de belles interprétations musicales inspirées de la Renaissance et du Baroque, alors que Ross Daly (Crête) s'est montré distinct en partageant avec l'assistance différents répertoires puisés dans le patrimoine crétois. Quant à Juan Carmona (Espagne), il a joué avec sa guitare du flamenco, et cela avec un doigté novateur.