Engouement n Tradition populaire que d'aucuns croyaient perdue, la chasse à la grive et aux oiseaux migrateurs a repris du... poil de la bête cet hiver à Béjaïa. Par passion, lucre ou simple plaisir de la capture, des groupes de jeunes, souvent désœuvrés, s'y adonnent quotidiennement écumant les oliveraies et les lisières de forêts, fort propices à la pose de pièges en cette période car foisonnantes en volées d'oiseaux de toutes sortes. «Il n'y a pas de raison particulière à cette reprise, si ce n'est l'arrivée massive des oiseaux migrateurs, attirés autant par la douceur du climat que par l'abondance de nourriture. La situation a naturellement donné des idées aux jeunes, déjà culturellement forgés à cette mentalité ancestrale de la chasse», explique simplement Amara Saddek, le chef de l'unité de conservation et développement de la faune et de la flore de la wilaya, quoique soucieux un peu des nuisances collatérales que cette pratique peut induire sur les espèces protégées. «La pratique est saine. Mais beaucoup ne distinguent pas entre mâle et femelle, et de plus, confondent outrageusement entre les genres, incapables de discernement parmi la variété des passereaux qui leur passe sous la main», déplore-t-il mettant surtout à l'index «les pièges qui visent à tuer la prise». Pour taquiner les oiseaux, selon les forts en thème, les piégeurs ne reculent en effet devant aucun procédé. De la «calinade» (ou cul-levé) qui consiste à surprendre la proie à sa sortie des bois, en passant par la glu appliquée sur des baguettes, l'assommoir, le filet à mailles jusqu'au tir à la fronde ou à la carabine, tout s'expérimente non sans réussite si l'on en juge par la quantité d'oiseaux proposée à la vente aux abords des routes. «Les plus futés capturent ou tuent jusqu'à 100 volatiles/ jour. Leur procédé consiste à semer un maximum de leurres la nuit puis de les réarmer au petit jour pour obtenir une levée quotidienne double», affirmera Karim, un jeune adepte «amateur» du rite, étant seulement un pratiquant du week-end, «juste pour le plaisir». En fait, ses prises, dira-t-il, sont essentiellement destinées à améliorer la table familiale (quand il y en a beaucoup) ou à agrémenter un pique-nique dans les champs. «La chair de grive, c'est succulent sous un olivier», tranchera-t-il enjoué et affectionnant la surenchère : «La délectation est totale quand elle est marinée dans l'huile d'olive, puis cuite à la braise.» «C'est moins bon que le merle, mais c'est nettement meilleur que l'étourneau qui a l'inconvénient de posséder une chair dure», relèvera-t-il dans une longue explication sur les vertus gastronomiques de chacun des passereaux et leurs délices. En fait dans la culture locale, il n'y a pas de traditions gastronomiques établies en matière de préparation de ce type de gibier. L'oiseau le plus recherché, mais aussi le plus rare, reste le merle. Il est associé dans la préparation des boulettes de pâtes kabyles (l'asbane) ou moins sophistiquée et plus naturelle, à la braise. Certains, les gourmets surtout, s'en servent pour en faire des toasts. Cuite dans l'huile d'olive, l'échalote et l'ail, puis mixée, la chair est présentée en canapé sur des tranches de pain ou de galette. Autrefois, les passereaux, principalement les étourneaux, étaient consommés en abondance car la chasse en hiver était une pratique générale et courante dans les campagnes. La raison est que cette habitude était intiment liée à la campagne oléicole qui veut que l'étourneau (azerzour), réputé pour les dégâts qu'il occasionne aux vergers d'oliviers et à l'arboriculture en général, manifeste sa présence, voire son retour, à la maturité du fruit.