Si un jour vous êtes happé par le spleen, sachez qu?il existe une recette pour secouer votre mélancolie et vous dégourdir la rate. Il suffit d?observer attentivement les enseignes qui ornent les devantures des magasins et autres établissements commerciaux. Comme les Algériens ne sont plus tout à fait francophones et pas assez arabisants, ils ont créé une espèce de sabir qui tient à peu près des deux langues, mais qui est très loin des deux. Voici quelques-unes de ces appellations commerciales que vous pourrez voir si vous ouvrez les yeux : - ?ufs de volailles (comme si on pouvait acheter des ?ufs de reptiles ou de dinosaures) - Matelas mouss 1 et 2 plasses - Casse-crotte rapide, de jour et de nuit seulement - Gargotier chez les frères Batata (les biens nommés) - Lait cru de vache pasteurisé (pourtant la pasteurisation consiste à porter l?ébullition à 90 degrés) - Toilettes hommes : 5 DA - Toilettes femmes : 10 DA (?) - Gaufrettes sans noisettes (avec une image de belles noisettes sur l?emballage) - Oranges po fine - Lavage bien stiké - Dubaï chez les frères Charba - Vulcanizator Il y a comme cela des appellations truculentes dont certaines sont portées sur de véritables enseignes lumineuses. Nous avons inventé une nouvelle langue, en fait. C?est comme cette histoire de négociant français qui a fait remarquer à ses deux partenaires algériens que ce n?était pas très correct de leur part de s?exprimer en arabe en sa présence, lui qui ne comprenait pas un traître mot de cette langue. L?un d?eux, pour le consoler, lui jura que s?il prêtait un peu plus d?attention, il pourrait saisir le sens. Et pour le convaincre, il lui dit une longue phrase en algérien : «Traversète lotoroute, crazat?ha camiona, Tahate felkoma. Jète lambilonsse, detha lezirgonsse. Deroulha essirom, bassah tahat fel koma. Kiouasslatt minoui mettete ouadaouha lla morgue. «Mais j?ai tout compris là !», sursauta le Français.