Constat n La médication traditionnelle par les plantes demeure une pratique bien courante dans la région. C'est surtout dans les villages et parmi les couches défavorisées que les herboristes trouvent l'essentiel de leur clientèle. Il faut dire que le poids des traditions contribue à maintenir cette pratique séculaire qui attribue aux feuilles du genévrier (araâr) un effet sur les diarrhées, au radis (fedjel) une action bienfaisante contre la toux et aux racines du peganum de harmala (harmel) la capacité de guérir les arthrites. Rencontrée chez l'un des herboristes de la cité, à la recherche de la potion magique qui viendrait à bout de ses rhumatismes, Saâdia a affirmé que l'espoir de guérir «amène les malades ou leurs familles à saisir toutes les occasions qui se présentent même s'ils doutent le plus souvent de leur efficacité». Cette demande sociale en progression a fait le bonheur de certains commerçants qui ont ouvert des échoppes de phytothérapie traditionnelle, alors que par le passé, ils étaient condamnés à déambuler d'un marché à un autre pour écouler leurs recettes botaniques. Dans les marchés populaires, ces herboristes se présentent comme étant des «professionnels de la santé», faisant valoir leur longue expérience ainsi que leurs origines – tellienne ou saharienne, c'est selon – et vantant les bienfaits de leurs préparations qu'ils affirment ramener de lointaines contrées d'Afrique ou d'Asie. Certains de ces «praticiens» vont jusqu'à exhiber des... cartes professionnelles, des dépliants, de vieux grimoires, voire des serpents, des lézards et des gazelles séchés aux pouvoirs curatifs ou supposés comme tels. Ces marchands se placent, le plus souvent, à l'entrée des souks et font tout pour se faire remarquer en utilisant tout un attirail sonore. En véritables maîtres du verbiage, ils battent aussi le rappel d'axiomes ou d'expressions rimées, de périphrases et de petites phrases du genre «koul m'ridh iladjou g'rib» (Pour tout malade, la guérison est proche). Un spécialiste de la littérature populaire, le Pr Saâdani, trouve d'ailleurs dans le jargon de ces herboristes une certaine poésie rudimentaire qui fait leur succès auprès d'une clientèle sensible à ce genre de discours car fragilisée par le besoin de guérir au plus vite ou de soigner les proches par tous les moyens. Un médecin généraliste, le Dr Torchi, parle, de son côté, des risques que présente l'utilisation incontrôlée des plantes en invoquant la possibilité que ces remèdes donnent lieu à des complications imprévisibles, notamment chez les personnes atteintes de maladies chroniques comme l'hypertension artérielle et le diabète sucré.