Regret n «La chanson kabyle a subi des mutations et a connu un glissement», a déclaré Hacen Ahres, lors d'un point de presse, hier, mardi, au théâtre de verdure. Ed'ajouter : «La chanson kabyle est devenue légère. Ceux qui chantent kabyle sont de simples interprètes et non des artistes.» Hacen Ahres, pour qui la chanson kabyle est une chanson à texte véhiculant une langue, une culture et une histoire, déplore que, depuis près d'une vingtaine d'années, la chanson kabyle soit devenue «une bouée de sauvetage». «Tout le monde veut maintenant chanter sans se donner la peine d'opérer un travail au niveau du texte et de la composition musicale», a-t-il dit. Et de relever toujours avec regret : «Elle devient répétitive, banale, un divertissement.» Ainsi, la chanson kabyle, à l'instar des autres genres musicaux tels le chaoui, le staïfi ou encore le raï, revêt ce caractère commercial. Elle devient une chanson commerciale, de consommation. «Avant, les chansons étaient faites de mots, alors qu'aujourd'hui, elles sont composées de paroles», a-t-il indiqué. Et de poursuivre : «Il faut soigner le texte, l'artiste doit faire preuve de maturité, il doit être responsable de son travail.» Interrogé sur les raisons de ce glissement, Hacen Ahres a expliqué que les chanteurs de l'ancienne génération se sont retirés, depuis les années 1990, de la scène artistique, laissant alors un grand vide que les jeunes chanteurs ont vite occupé et exploité à leur manière et selon leur sensibilité et leur imaginaire. Ils se sont créé leur style, leur marque et leurs repères. Ils ont marqué leur époque. S'exprimant ensuite sur le public, Hacen Ahres a précisé que «le public écoute ce qu'on lui donne à écouter, il réagit selon le moment, il fonctionne en rapport à une marque, il répond à l'effet médiatique». Hacen Ahres n'a pas hésité à fustiger les éditeurs qu'il considère responsables de ce marasme musical. Il les a qualifiés de «prédateurs». «Les éditeurs sont des marchands de cassettes. Ils ne travaillent que pour l'argent. On n'a pas affaire à des gens de la profession», a-t-il dit. Hacen Ahres a également stigmatisé le phénomène de la reprise. «Quand on reprend une chanson, c'est surtout pour faire un clin d'œil à un artiste disparu», a-t-il estimé. «Or, aujourd'hui, on fait des reprises parce qu'il n'y a rien. Il n'y a plus de création.» Or «la reprise casse l'authenticité, altère même l'essence de la chanson reprise». Hacen Ahres a appelé à ne pas encourager la médiocrité, à solliciter de vrais auteurs, des poètes, pour composer un texte, à ne pas négliger les chansons à texte. Enfin, parler de la chanson kabyle, c'est d'emblée l'associer à la culture kabyle. «Il est vrai que la chanson kabyle est souvent associée à la culture kabyle», a relevé le chanteur. Et d'expliquer : «C'est parce qu'on n'a pas, jusqu'à ces dernières années, de théâtre ou de cinéma et même de littérature que la chanson devient alors le seul véhicule de la culture, de l'histoire, de l'identité, en somme du patrimoine kabyle. On y porte toutes nos revendications sociales, culturelles et même politiques.» l Hacen Ahres donnera, demain jeudi, à partir de 20h 30, un concert à l'auditorium du théâtre de verdure (en contrebas de l'hôtel El-Aurassi ). Ce spectacle s'inscrit dans un programme initié par l'Etablissement Arts et Culture. Il consiste à mettre à l'honneur la chanson kabyle, avec des voix d'hier et celles d'aujourd'hui, du chaâbi et de la variété. Ce programme comprendra également des hommages et des pensées aux artistes disparus tels que Cheïkh El-Hasnaoui, Sliman Azem, Farid Ali et tant d'autres. S'exprimant sur ce programme, Redouan Mohamedi, directeur de l'Etablissement Arts et Culture, a dit : «Nous avons initié une série d'hommages afin d'offrir une pensée à la chanson kabyle et à ceux qui l'ont faite. Leur nom doit occuper notre pensée d'une façon régulière, car ils ont édifié notre culture et ils en ont fait une référence musicale. Ainsi, Hacen Ahres donnera, rappelons-le, le coup d'envoi de ce programme qui se veut une action visant à promouvoir la culture, notamment le patrimoine immatériel algérien, dans sa pluralité. Redouan Mohamedi a, en outre, annoncé que d'autres hommages à la chanson algérienne dans sa diversité, comme le chaoui, seront organisés tout au long de l'année.