Lacune n Le certificat de conformité n'est demandé que lorsqu'il s'agit de vendre une maison. C'est pour cette raison d'ailleurs que les grandes entreprises publiques de construction respectent les règles, alors que les particuliers construisent comme bon leur semble. L'anarchie urbanistique et l'image hideuse qu'offrent nos villes aujourd'hui ne sont pas uniquement dues à «l'incompétence» des architectes, mais aussi et surtout à leur incapacité à faire le suivi des projets de construction. Le propriétaire du projet en est, selon les architectes, le premier responsable. Puisque ce dernier n'exige pas la qualité dans son chantier, l'architecte se trouve incapable de faire quoi que ce soit. Il faut dire qu'une grande partie des propriétaires de projets de construction a pour principal objectif de gagner de l'argent et œuvre activement à achever les chantiers dans les plus brefs délais pour passer à d'autres. En outre, plusieurs projets sont lancés en l'absence d'architectes, s'indignent des membres du Collège national des architectes (CNAA). «Que faut-il attendre d'un chantier réalisé sans la présence d'un architecte ? Que font les agents de contrôle des constructions ? Voilà les négligences qui ont conduit à la dégradation permanente à laquelle sont exposées nos villes», s'indigne Abdelhamid Boudaoud, président du CNAA. L'absence d'un cadre juridique permettant à l'architecte de faire le suivi des projets de construction et leur conformité aux plans laisse libre cours aux entrepreneurs qui n'accordent pas, pour une grande partie, d'intérêt à l'aspect esthétique et à l'homogénéité urbanistique. Pour sa part, Abdelwahab Zekagh, directeur des études à l'EPAU, estime que «60% des constructions ne sont pas signées par des architectes». Pourtant, la loi est claire et sans équivoque : pour avoir le permis de construire, le plan doit être signé par un architecte. «L'architecte est écarté de ce procédé. Les responsables concernés auprès des APC rejettent les plans délivrés par des architectes et imposent aux citoyens des plans types réalisés par des techniciens supérieurs. Il ne reste donc que le sceau que le citoyen concerné doit demander à un architecte agréé en contrepartie d'une somme d'argent», s'indigne notre interlocuteur, arguments à l'appui puisqu'il avait présidé une APC à Alger durant cinq ans. «J'ai vu des employés de la DUCH proposer aux citoyens des plans types et qui se chargent de mettre le sceau chez un architecte», se rappelle-t-il. Le problème de la non-conformité s'aggrave de plus de plus et on assiste aujourd'hui à des villages entiers construits sans plans. «Les services de l'Etat se retrouvent en fin de compte obligés de régulariser ces constructions, puisque leur démolition coûte cher. L'inexistence d'alternatives pour reloger les habitants constitue aussi une contrainte majeure pour les services de l'Etat. Toute cette anarchie est le résultat d'une absence de contrôle précoce», regrette M. Zekagh. l Les constructeurs privés ne recourent pas aux architectes car les bâtisses sont généralement destinées à l'usage familial et non à la vente et là les services de l'Etat ne viennent pas leur demander un certificat de conformité. «Le certificat de conformité n'est demandé que lorsqu'il s'agit de vendre une maison. C'est pour cette raison d'ailleurs que les grandes entreprises publiques de construction respectent les règles, puisque leurs projets sont destinés à la vente. 90% des particuliers construisent pour eux-mêmes et ils n'ont donc pas besoin de mettre leur maison en conformité. L'Etat est totalement absent…», remarque irrité, M. Zekagh.