Analyse n Crises économiques, guerres civiles, fetwas infondées, terrorisme… Ce que vivent les pays musulmans n'est pas l'œuvre du destin. Cette situation est plutôt due à une léthargie intellectuelle, estiment les spécialistes. Tout musulman est appelé à fournir des efforts de réflexion complémentaires afin de mieux comprendre le Coran et la Sunna. Ce devoir est appelé «Ijtihad», un concept qui doit cependant s'étendre aujourd'hui aux autres domaines de la vie. Les spécialistes, chercheurs et enseignants universitaires, présents hier au colloque international organisé à la bibliothèque nationale El-Hamma autour de ce concept, ont été unanimes à souligner que la crise que traverse la quasi-totalité des pays musulmans est essentiellement due au «blocage des cerveaux». Le docteur Ali Harb, chercheur libanais, a, dans son intervention, déploré le fait que «les musulmans d'aujourd'hui ont tendance à courir derrière les solutions extrêmes et que leur quête de solutions soit soumise aux tendances idéologiques, ce qui est synonyme d'irresponsabilité». Il a, en outre, dénoncé l'attitude des régimes politiques qui empêchent les intellectuels de s'exprimer librement sur les questions engageant l'avenir des peuples (de la Oumma). «Nos gouvernants ont peur des intellectuels, arrivant jusqu'à les priver de se présenter aux élections ou publier des communiqués. Où est la stratégie de développement des idées ? L'ijtihad qui devrait être utilisé dans tous les domaines, est réservé uniquement à l'interprétation des textes religieux et c'est là que commencent la catastrophe et la descente aux enfers…», a-t-il ajouté. L'analyse livrée par cet éminent chercheur et écrivain résume la réalité amère du monde musulman. «Les ennemis réels de l'Islam ne sont pas les Danois avec leurs caricatures attentatoires à l'image du Prophète Mohammed (QSSL), mais ce sont plutôt les musulmans qui vont, dans leurs interprétations, jusqu'à livrer des fetwas n'ayant aucun fondement», regrette le chercheur. Pour sa part, le chercheur tunisien Mustapha El-Kilani a appelé à l'ouverture de l'esprit des musulmans qui doivent s'adapter aux exigences dictées par les changements actuels et à ne plus vivre à l'ombre d'interprétations établies avant près de 14 siècles. «La maîtrise des nouvelles sciences et technologies doit impérativement faire partie de l'Ijtihad. Même les efforts fournis en matière de recherches religieuses ont pour objectif d'adapter les interprétations des textes à la réalité sociale de notre époque… L'effort intellectuel devrait aussi se focaliser sur les mutations prévues», résume M. El-Kilani. Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Bouabdellah Ghlamellah, a rappelé à l'assistance l'une des plus célèbres leçons données par Malek Bennabi, célèbre penseur algérien, dans ce sens. «Lors d'une conférence qu'il a animée au début des années 70, Malek Bennabi a résumé la tendance des musulmans contemporains par un simple exemple. Le Japon, la Chine et les autres pays asiatiques avaient commencé à consommer les produits européens, mais par la suite ils ont mis en place leurs propres industries, ils ont appris, alors que les musulmans n'ont fait que dans la consommation. Aujourd'hui, ils demeurent ainsi…», a souligné M.Ghlamellah.