Hommage n Cela fait près d'un demi-siècle, soit 46 ans, que l'un des premiers écrivains algériens d'expression française, a été assassiné par l'Organisation de l'armée secrète (OAS) farouchement opposée, alors, à toute idée d'indépendance de l'Algérie. A trois jours de la signature des accords d'Evian du 19 mars, cette «bande d'assassins» comme l'avait ainsi qualifiée Mouloud Mammeri, avait pris d'assaut le Château-Royal à El Biar où s'étaient réunis les inspecteurs des Centres sociaux. Les assaillants avaient interpellé six personnes par leurs noms pour les aligner face à un mur et les fusiller. Il s'agissait de Mouloud Feraoun, Max Marchand, Marcel Basset, Robert Eymard, Ali Hamoutene et Salah Ould Aoudia. Ils faisaient partie de ceux qui espéraient établir un dialogue culturel entre les différentes communautés, notamment en prêtant main-forte aux plus pauvres et aux plus démunis des Algériens. L'autre Mouloud, Mammeri en l'occurrence, avait écrit cela bien après : «Le 15 mars 1962, au matin, une petite bande d'assassins se sont présentés au lieu où, avec d'autres hommes de bonne volonté, il (Mouloud Feraoun) travaillait à émanciper des esprits jeunes, on les a alignés contre le mur et…on a coupé pour toujours la voix de Fouroulou. Pour toujours ? Ses assassins l'ont cru, mais l'histoire a montré qu'ils s'étaient trompés, car d'eux il ne reste rien… rien que le souvenir mauvais d'un geste stupide et meurtrier, mais de Mouloud Feraoun la voix continue de vivre parmi nous.» Né en 1913 à Tizi Hibel, Feraoun est issu d'une famille paysanne pauvre. Scolarisé à Taourirt-Moussa, il rejoint quelque temps plus tard le collège de Tizi Ouzou grâce à une bourse. Il fait ensuite l'Ecole normale de Bouzaréah. Instituteur dans son village natal en 1935, puis à Taourirt-Moussa de 1946 à 1952, il avait, en 1939, déjà commencé à écrire son premier roman qu'il avait appelé Fouroulou Menrad et qui deviendra par la suite Le fils du pauvre, publié pour la première fois en 1950 dans la revue Les Cahiers du nouvel humanisme. Ce livre reçut le Prix de la ville d'Alger. En 1952, Feraoun est nommé directeur du cours complémentaire de Fort-National avant d'occuper, cinq ans plus tard, le poste de directeur de l'école Nador au Clos-Salembier (Alger). Il reçoit le Prix populiste pour son second roman La terre et le sang en 1953. Mouloud Feraoun a également publié Les Chemins qui montent en 1957, un roman qui est, en quelque sorte, la suite de La terre et le sang. Il est peut-être utile d'indiquer qu'il a aussi écrit des chroniques et des notes, pendant la guerre de libération qui deviendront par la suite Le Journal. L'année écoulée, Mouloud Feraoun est revenu de fort belle manière avec un autre livre : La Cité des roses. Ce livre a été écrit en 1958, simultanément avec Le Journal. En effet, son fils Ali Feraoun a pu éditer la dernière œuvre de son père. Cependant, quarante-six ans après son assassinat, l'école algérienne n'a toujours pas son Feraoun, dans ses classes et ses manuels.