Consigne n A pied, il ne faut pas trop chercher dans sa garde-robes. En voiture, il faut apprendre à rouler lentement pour ne pas esquinter la suspension ou noyer son delco. Mais dans la gadoue qui obstrue le chemin, des enfants, pas plus haut que trois pommes, font paisiblement une partie de football avec un vrai ballon et de faux bois. Après le match, ce terrain devient un grand parking pour des camions et des engins de toutes sortes dont les propriétaires, nous explique-t-on, habitent les lieux. Là, les quelques passerelles qui sont implantées depuis des années, s'avèrent trop exiguës pour contenir, surtout en fin d'après-midi, à la sortie de l'école, les enfants. Là aussi, pour fouetter les réminiscences du passé, le gars de Maginot, celui rencontré le premier sur les lieux, appellera à l'aide. Son signe de la main ramène des salamalecs à profusion. Trois vieux tous coiffés de chéchia et emmitouflés dans des kachabias en peau de chameau, rentrent dans le vif du sujet. «Aïn Boucif, vous connaissez ? Je suis de là-bas, tout comme mes amis d'ailleurs. Les terroristes faisaient des descentes fréquentes dans notre village et en 1995, nous étions obligés de prendre le chemin de l'exode. Nous avons atterri ici…», se souvient l'un des trois. Ce qui ne devrait être qu'un lopin de transit pour un paradis promis ou un retour annoncé, a fini par être leur chez-soi. A cent cinquante mètres seulement du chemin de fer, là, un jour, beaucoup de familles fuyant les monts hantés de Benchicao et sans avoir acheté le moindre ticket, ont dû attendre que le train El-Affroun - Alger ralentisse pour descendre en toute vitesse dans ce no man's land. Dans une touiza impcs jours meilleurs. Surgissent presque immédiatement des taudis, c'est-à-dire juste le temps d'aller chercher ce dont on a besoin comme matériaux de construction. Nous sommes en 1995, Haï Remli n'est pas encore un bidonville. Mais les quelques bicoques éparpillées çà et là, depuis des lustres, avaient laissé suffisamment d'espaces pour attirer des preneurs venus de tout bord. Mais si l'assainissement fait encore défaut, les habitants n'ont rien à dire au sujet des avancées notables qui ont été concrétisées. «il y a plein de commerces d'alimentation générale, ici, et nos enfants ne vont pas jusqu'à risquer leur vie en traversant la voie ferrée quand ils vont acheter le pain», se félicite un habitant. Evidemment, ces échoppes sont dénuées de toute hygiène mais les propriétaires ne s'en soucient guère. Les affaires marchent bien et les gars de la DCP n'y ont jamais mis les pieds. Les passerelles existent. L'éclairage aussi. Vu de haut, le bidonville donne l'air d'avoir subi une avalanche de neige. Les assiettes de paraboles «écument» depuis que tout le monde a réussi à avoir un «bout» d'électricité au prix de mille astuces, sans avoir à dépenser au retour le moindre centime.