Tébessa: production prévisionnelle de plus de 1,8 million de litres d'huile d'olive    Le président de la République reçoit une lettre de son homologue somalien    Meilleur arbitre du monde 2024: l'Algérien Mustapha Ghorbal nominé    Allocation de solidarité Ramadhan : ouverture des inscriptions (ministère de l'Intérieur)    Une action en justice intentée contre l'écrivain Kamel Daoud    Le recteur de Djamaâ El-Djazaïr reçoit le recteur de l'Université russe du Caucase du Nord    Foot féminin: maintenir la dynamique du travail effectué pour bien préparer la CAN-2025    Ghaza: l'OCI condamne le veto américain à la résolution de l'ONU exigeant un cessez-le-feu    Palestine: des dizaines de colons sionistes prennent d'assaut l'esplanade de la mosquée Al-Aqsa    Ghaza devient un "cimetière" pour les enfants    Poutine a approuvé la doctrine nucléaire actualisée de la Russie    L'entité sioniste «commet un génocide» à Ghaza    Liban : L'Italie dénonce une nouvelle attaque «intolérable» de l'entité sioniste contre la Finul    Semaine internationale de l'entrepreneuriat    Pour une économie de marché concurrentielle à finalité sociale    La liste des présents se complète    Combat de la spécialité muay thai : victoire de l'Algérien Mohamed Younes Rabah    JSK – PAC en amical le 21 novembre    L'ANP est intransigeante !    Un nourrisson fait une chute mortelle à Oued Rhiou    Sonatrach s'engage à planter 45 millions d'arbres fruitiers rustiques    Campagne de sensibilisation au profit des élèves de la direction de l'environnement de Sidi Ali    Le président de la République préside la cérémonie de prestation de serment de la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    Sonatrach examine les opportunités de coopération algéro-allemande    Il y a 70 ans, Badji Mokhtar tombait au champ d'honneur    L'irrésistible tentation de la «carotte-hameçon» fixée au bout de la langue perche de la Francophonie (III)    La femme algérienne est libre et épanouie    Le CNDH salue l'attachement profond de l'Algérie aux chartes internationales garantissant les droits de l'enfant    Autoroute est-ouest: le péage non inclus dans le programme du Gouvernement    Le président de la République reçoit la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    ANP : reddition de 2 terroristes à Bordj Badji Mokhtar et arrestation de 6 éléments de soutien aux groupes terroristes    Port d'Oran: plus de 8 millions de tonnes de marchandises traitées durant les neuf premiers mois de 2024    Tébessa : coup d'envoi dimanche des 3èmes Journées du court métrage    Le président de la République préside la cérémonie de prestation de serment de la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    Foot/ Qualif's-CAN 2025: Amine Gouiri, troisième meilleur buteur avec 4 buts    Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La topologie des charniers
BAB EL-OUED : L'ETAT DE CHOC
Publié dans L'Expression le 12 - 11 - 2001

« Nous avons dégagé dix corps en une heure, c'est vous dire que le nombre des morts ici est... », le policier cherche, perplexe, ses mots.
Debout, sur les gravats de cette plage, R'milet El Aoud, ils regardent la mer déchaînée. «La mer charrie encore des corps.» Ce jeune homme est là depuis des heures. «Regardez cette robe». On entrevoit, accrochée à un piquet rouillée sur le sable marron, entre deux mouvements de flux et de reflux, la couleur jaune vif d'un tissu qui s'assimile, bien à une robe. Les vagues mordent férocement les rochers et la plage. Soudain, des cris. Des gens accourent. Un pied dans une chaussure de femme émerge à moitié du sable mouillé. Un secouriste descend vers ce bout de cadavre. Il a du mal à le déterrer seul. La violence des vagues l'empêche de se concentrer sur sa tâche. Des jeunes nouent une corde autour du pied. Ils tirent. Et tirent encore. Mais leurs efforts sont vite réduits à néant. D'autres secouristes se pressent. Se joignent à eux. Ils sont presque dépassés par l'ampleur du désastre. Sous des mètres de boue, des cadavres gisent là. «Nous marchons sur des centaines de morts», fait remarquer un confrère. Des pelleteuses du Génie militaire tentent de déblayer la boue et de dégager des véhicules. On y découvre des habits, des pièces détachées. Emprisonnées dans leurs voitures, piégés par le flux torrentiel des eaux, des centaines de personnes ont été ensevelies vivantes sous des tonnes de boue et de pierre.
Plus haut, les Trois-Horloges s'enlise dans un gigantesque bourbier. Les rues croulent sous des tonnes de boue, de gravats et de détritus de toute nature. Les trottoirs ont tout simplement disparu. Les magasins sont comme défoncés par une armée de semi-remorques fous furieux. Des cages d'escaliers nagent encore dans la gadoue et les eaux usées. Les habitants errent déboussolés, en cette après-midi. Ils assistent, aux opérations de déblaiements de certaines ruelles, encore obstruées par la foudroyante montée des eaux. «Ils sont nombreux à l'intérieur de cette ruelle», nous dit un pompier, en tenue maculée de boue et les yeux fatigués, témoins des efforts de toute une nuit, pas du tout découragé. Deux corps sont vite enroulés dans des couvertures et allongés à même la chaussée en attendant leur évacuation. «Le puissant flux des eaux, canalisé par ces étroites ruelles, les a transformées en piège mortel. Les gens n'ont même pas eu le temps de quitter leurs voitures». Le sapeur-pompier qui nous parle s'apprête à passer une seconde nuit à déblayer les caves et les rues des Trois-Horloges. Non loin de là, un mini-bus est renversé, éventré. «Ils ont dégagé beaucoup de cadavres de ce véhicule», nous dit ce riverain dont les yeux racontent toute l'horreur et le désarroi. A l'intérieur de l'APC, le hall de l'état civil a été transformé en refuge précaire pour des dizaines de familles. Chassés par une grande panique de leurs immeubles, complètement inondés, ces femmes et ces enfants n'ont pu trouver où aller. A même le sol, avec leurs balluchons et quelques affaires sommaires sauvées des eaux, ils s'agglutinent ici et là, se racontant leur détresse et étalant leur colère. «Pourtant on leur avait bien dit», s'écrie cette jeune femme. «Nos voisins qui habitent des caves sont encore coincés à cette heure. Ils sont venus se plaindre plusieurs fois à l'APC, pour rien!» La jeune femme est reliée par une femme serrant contre sa poitrine un enfant en bas âge: «Heureusement, dit-elle, que les militaires étaient là pour nous sauver, les pompiers étaient mal équipés. Que pouvaient-ils faire avec des casques et des cordes?» Des familles entières attendent, tétanisées, depuis avant-hier. Livrées à leur sort. Sans recevoir une bouchée de pain ni un verre d'eau, si ce n'est la solidarité des riverains qui leur ont préparé à manger le soir et le matin. La rahma existe encore!
Nous descendons vers la rue Omar El Khettab. L'intérieur de tout un bâtiment ainsi que ses voies d'accès sont noyés sous plusieurs mètres d'eau. D'une voiture, nous n'apercevons que les contours de ce que nous devinons être le toit.
Quelques commerçants s'acharnent à évacuer le liquide jaunâtre et l'épaisse couche sédimentaire avec l'énergie du désespoir. Un jeune garçon aide sa grand-mère, munie d'un simple balai, à dégager l'entrée bloquée d'un immeuble. Et partout, des voitures abîmées ont pris les plus invraisemblables postures. Perchées à un kiosque du côté de la clinique ou renversées, les roues en l'air, complètement broyées, cabossées. Charriées par la folle course du torrent et projetées sur des murs d'immeubles, des arbres, des personnes...
Triolet. «Nous avons dégagé dix corps en une heure, c'est vous dire que le nombre des morts ici est...», le policier cherche, perplexe, ses mots. Le marché de Triolet, avec ses baraques et ses «tables» n'existent plus. Rasé, enterré sous la déferlante d'eau, de boue, de rochers, de véhicules avec leurs passagers à bord et d'arbres arrachés. La scène est apocalyptique. En contrebas, ce qui reste du marché se présente en autant d'amas de tôles, de pierres, de monticules de terres et de gadoue. Des voitures, des minibus et un fourgon de police gisent éventrés, méconnaissables, entre les groupes de sauveteurs, pompiers, policiers et jeunes du quartier. «Allah ou Akbar!», scandent ces jeunes qui tentent, à l'aide d'une corde, de redresser un pick-up Mazda, sous les instructions des pompiers et des policiers. Les mains nues, ce jeune du quartier, tente, à lui tout seul, de dégager un petit espace entre une voiture et ce qu'il soupçonne être, encore, une partie d'un cadavre. Peut-être une main, une tête...Des pompiers s'agenouillent à même la boue pour libérer le corps d'une jeune fille écrasée par un rocher. Seul un pied chaussé d'une botte est apparent. Après quelques efforts, ils extraient son sac...Alors ils redoublent d'acharnement. Au niveau du carrefour de Triolet, qui dessert Bouzaréah et El-Biar, les engins du génie militaire s'attellent depuis hier à rouvrir la route à la circulation. Au milieu de la chaussée, des bus renversés sur le côté sont encore là, gisant comme des cadavres à ciel ouvert. Dans les ruelles environnantes, on découvre encore des cadavres.
Et puis ce regard. Alors que nous quittons les lieux, un jeune homme lance un regard chargé, anxieux vers le ciel. La météo et les nuages ont subitement changé de signification.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.