Si vous êtes obsédé par l'idée de découvrir un trésor enfoui dans le sol depuis des siècles, vous auriez sans doute intérêt à diriger vos recherches, en admettant que vous ayez toutes les autorisations nécessaires, vers le Nord de la France. Entre les départements du Nord, de la Somme et du Pas-de-Calais, vous allez, sans le savoir, fouler un sol peuplé depuis la nuit des temps ; une terre où l'occupation romaine s'est accompagnée d'une richesse exceptionnelle. Qui dit richesse dit monnaies, objets précieux et témoignages d'un luxe disparu. Ces mêmes régions, malheureusement pour elles, ont été depuis la plus Haute Antiquité le lieu de passage privilégié des envahisseurs. Les barbares pillaient, incendiaient, massacraient. Les populations paisibles fuyaient. De riches propriétaires enfouissaient à la hâte leurs biens les plus précieux, et se juraient que, avec l'aide des dieux, ils viendraient les récupérer dès que possible. Mais les envahisseurs les rattrapaient parfois sur la route, les tuaient ou les vendaient comme esclaves. Et le trésor restait enfoui dans sa cachette. Plus personne ne parvenait à se souvenir du lieu du dépôt. On oubliait jusqu'à son existence. Les maisons incendiées, écroulées sur la cache, finissaient par se transformer en ruines, les débris végétaux, accumulés au fil des siècles, par enfouir profondément le trésor. Parfois sous plusieurs mètres de terre nouvelle. Mais ces mêmes pays du Nord, s'ils ont été bouleversés par les invasions des époques reculées, ont dû aussi subir les invasions modernes, les batailles. Spécialement les batailles des guerres de 14-18 et de 39-45. Ces champs de bataille modernes sont farcis de souvenirs militaires. Armes personnelles, obus, bombes non explosées et débris mélancoliques ont été ensevelis avec les soldats morts : chaînes et plaques militaires, bijoux, casques, baïonnettes, pistolets, fusils, munitions, jusqu'aux simples gamelles individuelles. Certains se sont fait une spécialité de la récupération de tous ces objets plus ou moins rouillés, cabossés, perforés. Ils ramassent ce qu'ils appellent des «militaria», pour les revendre à des collectionneurs fanatiques de tous ces souvenirs un peu morbides. Ils retrouvent aussi, plus ou moins volontairement, des obus, des bombes, qui sont encore très capables de vous expédier dans l'autre monde. Parfois, on tombe sur tout un dépôt de munitions dissimulé par l'un ou l'autre camp des belligérants, dans l'espoir de le récupérer lors d'une prochaine occupation du terrain. Celui qui les découvre pourra les revendre, au prix du métal brut, à des ferrailleurs qui les remettront dans le circuit industriel. Ivan Apostolink faisait partie de ces récupérateurs de ferraille, et cela depuis de nombreuses années. Quand il avait commencé, il utilisait, pour repérer les objets enfouis, une méthode archaïque et un peu dangereuse. Lui et les hommes de son équipe commençaient par sonder le terrain à l'aide de longues tiges métalliques. Exactement comme le font aujourd'hui les sauveteurs qui tentent de retrouver les skieurs ensevelis par les avalanches... Quand, après avoir appuyé de toutes ses forces sur la tige métallique, Apostolink percevait, plus bas dans la terre grasse, une résistance, il savait qu'il fallait y aller prudemment. Mais au fil des années son expérience et son instinct lui permirent de savoir, très vite, s'il venait de toucher un obus, une caisse de munitions ou une mine. Dangereuses, les mines. Elles peuvent exploser même après cinquante ans dans le sol.(à suivre...)