Serait-ce la quadrature du cercle ? Les prix du pétrole grimpent sans cesse. Le monde vit une pénurie de nourriture. Certains imputent cette situation au recours aux biocarburants. D'autres affirment que la spirale des prix du brut est la cause de la famine qui pointe. Le débat semble stérile. Alors que les cours du baril de pétrole ont fini la séance d'hier à moins de trois unités du seuil symbolique des 120 dollars, les prix de l'or noir sont jugés «trop élevés» par l'Agence internationale de l'Energie (AIE), une organisation qui représente les intérêts énergétiques des pays consommateurs. Les prix du baril ont dépassé ce mardi matin et pour la première fois, les seuils des 118 dollars à New York et 115 dollars à Londres. «Les prix du pétrole sont trop élevés pour tout le monde, et particulièrement pour les pays en développement, qui font également face à l'augmentation d'autres coûts», allusion à la flambée alimentaire, a souligné, hier, Nobuo Tanaka en marge du Forum international de l'énergie, qui se tient depuis démanche à Rome. Pour faire face à cette flambée des prix de l'or noir, plusieurs pays ont commencé à destiner un grand nombre d'hectares (de terres) agricoles au biocarburant à partir de produits végétaux. Cette option (recours aux biocarburants) a cependant, reçu une nouvelle salve de critiques lors de cette rencontre internationale, où producteurs et consommateurs de pétrole l'ont, à leur tour, accusé, d'aggraver la crise alimentaire. Hier, plusieurs représentants de pays participants n'y sont pas allés de main morte pour remettre en cause ce processus, en ce sens qu'il a provoqué ces derniers jours des émeutes de la faim dans plusieurs pays. «Il se dessine un conflit entre nourriture et carburant avec pour conséquence des conflits sociaux désastreux pour des bénéfices environnementaux douteux», a lancé, hier, le Premier ministre italien sortant, Romano Prodi. Lui emboîtant le pas, le président péruvien Alan Garcia a demandé, hier, «une limitation de la production de biocarburants» et «la recherche d'autres options», en raison de son impact sur la hausse brutale des prix des produits alimentaires. En revanche, à l'image des pays producteurs de l'or noir, plusieurs voix ont défendu, lors de ce sommet, que les prix du pétrole n'ont jamais été à l'origine de cette crise alimentaire qui commence à prendre de l'ampleur. «Le monde doit décider ce qui doit être la priorité : conduire ou manger», a jugé de son côté le ministre qatari de l'Energie, Abdallah al-Attiyah, en niant le rôle des prix élevés du pétrole dans cette problématique. «Il ne faut pas mettre en cause le pétrole, mais les biocarburants, qui sont à l'origine d'une grande partie du problème», a-t-il déclaré en marge du forum. La crise alimentaire est due, selon lui, à «une pénurie de nourriture» et non aux prix élevés du pétrole. «Même les grands exportateurs de riz comme l'Inde, le Bangladesh, la Thaïlande, sont en train de réduire leurs exportations», analyse-t-il. Plus nuancé, Lawrence Eagles, chef analyste à l'Agence internationale de l'énergie (AIE), a estimé que les biocarburants «font partie de l'équation» de la crise mais que c'était «faux de vouloir se focaliser uniquement sur eux». Par ailleurs, dans ce contexte de perturbations, l'Opep a, de nouveau, rejeté l'appel des pays consommateurs lui demandant de pomper plus pour répondre à la forte demande. «Pour le cartel, les marchés pétroliers sont suffisamment approvisionnés.»