Il était une fois, et seul Dieu est partout à la fois !, un homme marié à deux femmes qui ne s'entendaient pas. La première avait un garçon et la seconde une fille. Elles passaient une partie de leur journée à glaner l'orge. En rentrant, elles battaient les épis, lavaient le grain, le séchaient avant de le moudre pour obtenir la farine. Un jour, la première dit : — La nuit est tombée. Rentrons faire le dîner ! Et comme il y avait des épis et les enfants à transporter, la seconde épouse attacha sur le dos de sa rivale une botte d'épis ainsi que le bébé. L'autre en fit autant. Elle attacha les épis mais au lieu de mettre la fille sur le dos de la mère, elle déposa un pilon emmailloté et laissa le bébé couché près d'un buisson. — C'est bon ! Ma concubine, ta fille est sur ton dos, partons, lui dit-elle. A la maison, l'une posa dans le berceau son fils et l'autre le pilon croyant qu'il s'agissait de sa fille. Au bout d'un moment elle s'inquiéta : — Pourquoi ma fille ne s'est-elle pas réveillée ? Elle la secoua doucement et découvrit le pilon. Elle se mit à hurler, à s'arracher les cheveux et à se larder le visage de ses ongles. Elle criait : — Ma concubine ! Viens voir ma fille est devenue un pilon ! Les gens accoururent et pleurèrent avec elle sa fille devenue pilon. Tout le monde pleura et le temps passa. Part un temps et vient un temps, part un temps et vient un temps... La mère du garçon s'était confiée, par dépit, à une voisine en lui révélant l'histoire du pilon : — Je lui ai mis un pilon, et elle ne verra plus jamais sa fille que j'ai laissée non loin de la forêt ! Elle la croyait morte, mais il n'en était rien car une ogresse, mère de sept fils, l'avait trouvée et adoptée tant elle désirait une fille. Le fils de la première épouse grandit et fut inscrit à l'école coranique. Il lui arrivait de se quereller avec ses camarades et un jour, il blessa le fils de la voisine. Cette dernière, en colère, demanda : — Qui t'a fait ça ? — C'est le fils d'une telle ! — Ah ! hurla la femme, s'ils avaient un peu de pudeur dans cette famille, ils ne laisseraient pas leur fille grandir chez les ogres. Elle dénonça la mère du garçon qui s'était confiée à elle à l'époque et le frère découvrit la vérité sur sa sœur disparue que l'on croyait transformée en pilon. Il déclara à sa mère : — Je veux connaître toute la vérité sur ma sœur. — Mon fils ! Elle ment ! — Non ! Raconte-moi ce qui est arrivé à ma sœur ! — Mon fils, je n'ai rien à te dire ! Le lendemain, il refusa d'aller à l'école et resta au lit : — Lève-toi, mon fils, dit la femme. — Je suis malade, rien en moi ne peut bouger ! — Que désires-tu mon fils ? — Fais-moi du berkoukès et apporte-le moi très chaud. La mère s'activa et déposa le plat rempli de berkoukès devant son fils qui lui demanda de manger avec lui. Elle refusa. Il insista : — Mange avec moi, cela me ferait tant plaisir. Elle accepta et dès qu'elle tendit la main vers le plat, il l'attrapa et la plongea dans le bouillon. Elle cria : — Mon fils, lâche-moi ! — Je ne te lâcherai que lorsque tu m'auras expliqué pourquoi la voisine a dit que ma sœur était adoptée par les ogres. Elle lui raconta toute l'histoire. Il retira sa main et la lui plongea dans un pot de henné. — Demain, prépare-moi des provisions pour que j'aille chercher ma sœur, déclara-t-il en se levant. — Mon fils, ne fais pas ça... Tu ne la trouveras pas, pleura la mère. — J'irai retrouver ma sœur. Si nous devons mourir, nous mourrons tous les deux ! Si nous devons vivre, nous vivrons tous les deux ! Il quitta le pays. (à suivre...)