Filiation n Apôtre de la négritude, anticolonialiste notoire, Aimé Césaire vient de nous quitter, sa redoutable sagesse humaine reste cependant inoubliable. Une génération d'écrivains noirs, digne héritière de la pensée de ses prédécesseurs se réapproprie aujourd'hui la réalité africaine dans toute sa cruauté actuelle. Sami Tchak*, un jeune Togolais établi à Paris, a fait récemment paraître un très beau roman, La fête des masques. L'auteur s'était distingué en 2004 en recevant le Grand Prix de la littérature de l'Afrique noire. C'est une bonne idée que les éditions algériennes Apic viennent d'avoir en le publiant dans la collection Résonances. Ecrit avec une plume où la jeunesse du narrateur prend le relais de l'émotion, ce roman saisissant à plus d'un titre raconte avec complexité l'histoire d'un crime crapuleux et absurde. La mort d'Alberta, une femme célibataire au style de vie débridé, est celle d'un personnage qui parle de sa féminité et de son être intérieur par-delà une culture à fleur de sens. Antonio, son fils, est le seul homme de sa vie et son unique amour. Ce dernier vagabonde pendant la journée dans une Afrique dont les richesses opulentes contrastent avec la pauvreté criante de ceux qui sont au banc de la société, ceux qui face à l'univers des arrivistes sauvages sont contraints à un esclavagisme économique dramatique. Les masques tombent lorsque Carlos tue dans un geste désespéré la femme qu'il courtise. Un geste qui propulse notre personnage dans des monologues vindicatifs contre Carla, sa sœur, qu'il admire mais qui est le symbole de la décadence et de la corruption des plus hautes sphères du pouvoir. Avec une résignation inouïe, Carlos accepte d'expier son crime en demandant au petit Antonio de lui ôter la vie à son tour pour en finir avec sa souffrance et mourir ainsi de sa belle mort. Le roman raconte avec une originale alternance des textes des destins tragiques, reflets convexes d'une réalité africaine où l'amour et la liberté sont les seules échappatoires face à la bassesse humaine. Dans un admirable chassé-croisé amoureux, Sami Tchak sait nous parler de beauté avec une plume juvénile. * La fête des masques, Sami Tchak, éditions Apic, septembre 2007