Résumé de la 1re partie n Jean-François Millet brade ses tableaux pour faire vivre sa famille. Un journal local parle de son œuvre l'Angélus et se demande qui tire profit de ses œuvres ? Ne t'en fais pas, après un tel hommage, les marchands vont certainement s'intéresser à toi.» Effectivement, quelques mois plus tard, François Petit, expert et marchand célèbre, se montre plus que généreux : «Je vous prends tous vos dessins. Huit cents francs pièce, cela vous convient-il ?» Millet n'ose trop y croire. Serait-ce la fin des années de misère? «Ce n'est pas tout. Nous organisons, au Cercle de l'union artistique, une grande exposition uniquement consacrée à votre œuvre. Rien que des Millet. D'ici peu, les millionnaires américains se précipiteront pour acquérir tous vos tableaux ! — Oh, les millionnaires américains, je n'y crois plus beaucoup. Vous devez savoir que L'Angélus avait été commandé par l'un d'entre eux... Je n'ai plus eu de nouvelles ! D'ailleurs c'est un millionnaire, M. Huntington, qui possède mon Homme à la houe. Savez-vous ce qui est arrivé ? Les syndicalistes américains se sont servis de mon tableau pour faire une campagne de presse ; ils étaient, paraît-il, indignés de l'état d'esclavage dans lequel vit le personnage. Huntington, furieux, a offert par voie de presse un prix à qui serait capable d'écrire un poème chantant les délices de la vie rurale. Ces millionnaires aiment à imaginer un monde où le paysan est attaché pour toujours à la terre. Tu verras, mon Jean-François, bientôt les amateurs paieront des fortunes pour obtenir des œuvres de toi !» Belle prophétie : L'Angélus, de «Jean-François les bas-bleus» – selon l'expression de Verlaine –, est présent à l'Exposition universelle de 1867. Puis il est vendu à la galerie Durand-Ruel pour 30 000 francs. Après la guerre de 1870, un Américain en offre 38 000 francs, un Belge en devient propriétaire pour 50 000 francs. En 1881, Secrétan le paye 160 000 francs et le revend pour 200 000 à la galerie Petit ; puis il s'empresse de le racheter, pour 300 000 francs : on vient de lui confier que le millionnaire américain Rockefeller est prêt à en donner 500 000 francs. Millet, lui, est déjà mort. Survient la vente Secrétan. L'American Art Association, représentée par John Sutton, offre 504 000 francs pour le tableau. M. Antonin Proust en offre autant, au nom du gouvernement français. «Quelle satisfaction ! L'Angélus de Millet reste en France ! — Vous n'y êtes pas, cher ami. La vente a été annulée, et il faut tout recommencer.» Nouvelle émotion intense : «L'Angélus est attribué à M. Antonin Proust, agissant au nom du gouvernement français, pour la somme de 553 000 francs !» Des bravos éclatent dans la salle. «Vive la France !»... Mais, catastrophe, le gouvernement ne suit pas : pas question de payer aussi cher pour une œuvre d'art... «Monsieur Sutton, l'œuvre est à vous. Vous pouvez l'emporter en Amérique. — Very good ! I'm very happy ! Voici 2 000 francs pour la veuve de M. Millet.» Voilà notre Angélus qui part pour l'Amérique. «Vous connaissez la nouvelle ? L'Angélus de Millet ! Il est à Rouen ! On peut le voir dès à présent. — Mais non, c'est impossible, je n'en crois rien. — Partons pour Rouen aujourd'hui même, nous en aurons le cœur net !» Mais ce n'est qu'une copie : un faux, en d'autres termes. On découvrira qu'un escroc nommé Vandermaessen a fait exécuter six copies de L'Angélus par un certain Prepiorski, le tout pour 1 200 francs. Prepiorski a signé «d'après Millet», mais Vandermaessen a effacé la mention «d'après». Il organise des tournées où des gogos de province croient admirer le véritable tableau. Vanderrnaessen, arrêté à Rouen, est condamné à la prison. (à suivre...)