InfoSoir : Qu'attendiez vous de cette première initiative ? Le Dr Yacine Terkmane : Ce qui était attendu de l'association, c'est de sensibiliser le grand public. Nous avons choisi les usagers du rail. C'est un travail de sensibilisation des citoyens. Nous avons prêché la bonne parole. Ceux qui ne fumaient pas, nous les avons convaincus de ne jamais le faire. Nous avons eu avec eux des discussions illustrées de cas concrets. Un malade atteint du cancer du larynx, des cas vivants qui souffrent des conséquences du tabac sur la santé… Il y a des problèmes énormes dont souffrent les cancéreux qui sont en majorité des démunis et des nécessiteux. Il arrivera le jour où les hôpitaux ne pourront plus prendre en charge les malades dont le nombre augmente de plus en plus sans parler des autres maladies et pathologies à prendre en charge. Un malade cancéreux coûte ce que coûterait la vaccination de toute l'Algérie. C'est un véritable problème de santé publique . Quelle a été la réaction des voyageurs ? Ils étaient, à notre surprise, très coopératifs. Les gens étaient convaincus de la nocivité du tabac et on peut espérer qu'à travers cette sensibilisation les jeunes ne fumeront jamais la 1re cigarette. Nous avons eu beaucoup de questions de fumeurs qui veulent arrêter et qui cherchent des structures pour les aider et les accompagner car ils sont dépendants de cette drogue. Nous les avons informés qu'il existe des moyens de diminuer ou d'arrêter. Mais une seule structure de consultation de tabacologie pour les fumeurs au niveau du CHU Mustapha n'est pas suffisante vu le nombre important de fumeurs qui voudraient arrêter . Il faut les généraliser à l'ensemble du territoire national. Les discussions et les débats les ont-ils intéressés ? ll Avec les voyageurs, nous avons eu des discussions très intéressantes. Nous avons parlé aux fumeurs et aux non-fumeurs et nous avons ressenti qu'ils sont de plus en plus conscients des dangers de la cigarette et d'autres se sont dit prêts à nous aider en tant qu'association pour généraliser ce type d'initiatives vers les jeunes et les collèges. Ce type de campagne est-il suffisant ? ll Nous sommes sur le terrain. L'action anti-tabac de notre association ne se limite pas seulement à la journée mondiale, mais elle dure toute l'année. Nous activons avec certains établissements scolaires de Blida grâce à la direction de l'éducation de la wilaya, les rassemblements sportifs… Le rôle de la société civile est de toujours informer et nous sommes persuadés qu'avec le temps nous aurons des résultats. Si on évoquait l'aspect économique du phénomène… ll Il y a de grands enjeux financiers dans l'industrie du tabac. Il y a 6 ou 7 grandes multinationales qui dominent le marché du tabac et avec les moyens de marketing et les budgets alloués elles tendent à recruter de nouveaux fumeurs et cela doit être dénoncé. La consommation recule en Europe grâce aux actions anti-tabac. Ces multinationales compensent leurs pertes en Afrique et en Asie auprès des jeunes qui ne devraient plus être la proie des politiques. L'Etat a une position ambivalente : d'une part nous avons une société nationale du tabac qui paye des taxes très importantes au Trésor public et d'autre part, le même Etat dépense des sommes colossales pour la prise en charge des cancéreux. Il faut faire le choix de la santé des citoyens et non pas une économie sur le dos des citoyens. Comment y remédier ? ll C'est la lutte contre toute forme de promotion du tabac. L'Etat a les moyens et la société civile, à travers la sensibilisation et la formation, a également un rôle à jouer. Quelques chiffres ? ll En Algérie, nous avons 15 000 morts chaque année, soit au moins une quarantaine de morts quotidiennement à cause du tabac. 9 cancers sur 10 sont liés au tabac. Nous enregistrons 3 000 nouveaux cas de cancers du poumon par an. Dans le monde, le tabac tue 5 millions de personnes par an. Ce chiffre est appelé à aller crescendo. C'est une véritable épidémie que l'on peut éviter. Si on veut éviter toutes ces maladies cardiovasculaires, tous ces problèmes de santé liés au tabac, il suffit tout simplement de ne pas fumer. L'on ne peut attendre aucun bienfait de la cigarette. * Président du conseil de l'ordre des médecins de Blida, membre de l'association Al-Badr