Il était une fois un brave pêcheur qui n'avait ni barque ni matériel de pêche et qui se contentait d'attraper des poissons près du rivage avec un épervier. Quand son fils eut atteint l'âge de dix ou onze ans, il lui dit : «Viens, mon fils ! Nous irons pêcher ensemble.» Le brave homme était bien pauvre et son filet était bien usé ! Il y avait beaucoup de poissons, mais ils étaient si gros qu'il craignait qu'ils n'avalent les restes du filet. Il va un peu plus loin mais c'était la même chose, il y avait toujours un gros poisson au milieu des petits. Il décide malgré tout de jeter son filet tout au bord et aussitôt un énorme poisson s'y trouve prisonnier. «Oh là là ! Il va avaler mon filet !», se dit le pêcheur, en le tirant hors de l'eau. Le poisson est si gros qu'il ne peut le soulever, alors il dénoue sa ceinture et attache solidement sa prise à une pierre par la tête, la queue et le ventre. Laissant son fils pour le surveiller, il s'en va chercher la hache pour le débiter en morceaux et l'âne pour le transporter. Soudain le poisson commence à parler : «Oh, mon frère ! Je t'en supplie ! Ton père m'a attaché si fort que j'en suis tout étranglé ! S'il te plaît, desserre un peu ce lien !» Le garçon refuse : «Si je fais cela, tu te sauveras et mon père me tuera.» Le poisson ayant promis qu'il n'en ferait rien, il le détache, mais une fois libre l'autre dit : «Au revoir ! Je m'en vais maintenant. Si jamais ton père se fâche, surtout n'aie pas peur, où que je sois je viendrai à ton secours.» Et sur ces bonnes paroles, il s'en retourne à la mer. L'enfant, effrayé de son geste et à l'idée d'affronter la colère de son père, s'enfuit en courant le long du rivage aussi vite que ses jambes le lui permettent. Se retournant pour voir si nul ne le suit, il aperçoit une silhouette derrière lui, et croyant reconnaître son père, se met à courir de plus belle. Epuisé par cette course folle, il s'arrête bientôt et est rejoint par un jeune homme qui lui demande : «Où vas-tu ?» Il raconte alors son histoire. L'autre lui dit encore : «Dorénavant, tu es mon frère, dans ce monde et dans l'autre. Je n'ai plus de famille, ni père ni mère, je suis tout seul. Tu verras, je te protégerai.» Ils partent ensemble et arrivent, soi-disant, à Tchanakkalé. Ils entrent dans un café pour boire, dans un restaurant pour manger. Puis le jeune homme loue une boutique, achète un mouton, l'égorge, l'accroche au plafond, et recommande au petit : «Voilà, mon frère ! Je t'ai amené ici, maintenant tu vas vendre cette viande, avec l'argent gagné tu en achèteras d'autres, et ainsi de suite. Je reviendrai te voir dans un an.» Jusqu'au soir, l'enfant attend en vain. Pas un client qui vienne acheter ni même demander quoi que ce soit, cela le rend tout triste. Peu après la prière du soir, un vieillard, appuyé sur une canne, vient le saluer : «Ta viande est bien belle, mais je ne peux te l'acheter maintenant car je vais au café et ma maison est trop éloignée pour que j'y retourne. Si tu attends un peu, tout à l'heure je t'en prendrai quelques kilos.» Un peu plus tard il revient, demande cinq kilos de viande, et se désole car le paquet est beaucoup trop lourd pour ses pauvres forces. L'enfant propose de l'aider, ferme la boutique, et l'accompagne jusqu'à sa maison. Arrivé devant la porte, le vieillard l'invite à partager son repas car il est seul. Ensemble, ils font le feu, préparent la viande, et, tout en mangeant et buvant, le garçon raconte ses mésaventures.