Il était une fois... Quand le crible était dans la paille... Il était une fois une vieille petite femme et une toute petite fille très très pauvres. La pauvre vieille travaillait tout le jour jusqu'au coucher du soleil, au dehors chez des gens, acceptant le peu qu'on lui donnait, et à la maison la petite fille préparait leur maigre pitance. Ainsi vivaient-elles. Un jour, la vieille était sortie dans le quartier, mais elle n'avait trouvé ni travail ni qui que ce soit pour lui donner quelque chose. Que faire ? Il était bien tard ! Elle s'en retourne à la maison et dit à la petite : «Ma fille, aujourd'hui je n'ai rien trouvé, il reste seulement une poignée de lentilles, mets-les sur le feu, ce sera notre soupe pour ce soir.» Puis elle sort à nouveau dehors. A l'heure de la prière du soir, elle n'était pas encore de retour. C'est alors qu'un derviche frappe à la porte, toc, toc, toc : — Qui est là, que voulez-vous ? — Pitié, donne-moi un morceau de pain. — Grand-père, j'aurais bien voulu, mais je n'ai rien, nous sommes si pauvres. Ce soir il y a seulement de la soupe aux lentilles. Si tu en veux, je peux t'en donner un peu. — Oh oui, ma fille, je veux bien. Elle donne la moitié de la soupe au vieillard qui mange et s'en va en la remerciant. Sur ces entrefaites la mère arrive, lui demande d'apporter la soupe et, trouvant qu'il y en a bien peu, commence à interroger sa fille. Celle-ci a beau dire que c'est tout ce qu'il y a, la mère n'en croit rien et la bat jusqu'au petit matin... Le palais du padichah était proche de leur masure. A cause des cris et des gémissements de la fille, le fils du padichah n'avait pu dormir, aussi le matin demande-t-il à sa mère d'aller voir ce qui s'est passé toute la nuit chez la vieille... Aux questions, cette dernière répond : «Ce n'est pas facile à expliquer. Voilà, ma fille ne veut plus rester ici, elle veut que je fasse réparer cette ruine, sinon elle menace de s'en aller. C'est pour cela que je l'ai battue. La femme du padichah raconte l'affaire à son fils qui, aussitôt, va en ville et réunit tous les maçons, menuisiers, ouvriers qu'il peut trouver afin de bâtir une belle maison à la vieille. Le soir tout est terminé, la mère et la fille entrent dans leur demeure toute neuve. A la tombée de la nuit, la vieille questionne encore au sujet de la soupe... Cela se termine par une raclée qui dure jusqu'au petit matin… Le fils du padichah se dit : «Elles ont voulu une maison, elles l'ont. Que veulent-elles maintenant ces deux créatures ? Mère, va voir ce qui s'est passé toute la nuit chez la vieille.» Aux questions, cette dernière répond : «La maison est bien belle, mais elle est toute vide, il n'y a ni tapis, ni carpette, ni fauteuil, ni canapé, et ma fille ne veut pas y habiter. Où veux-tu que je trouve de quoi payer tous ces meubles ? C'est pour cela que je l'ai battue.» La femme du padichah raconte l'affaire à son fils qui aussitôt achète et envoie tout le mobilier nécessaire, plus des sacs de riz, de sucre, du sel et du beurre, pour ne plus entendre les pleurs de la fille. Le soir tout est terminé, la mère et la fille se retrouvent dans leur demeure toute meublée. A la tombée de la nuit, la vieille questionne encore la fille au sujet de la soupe... Elle la roue de coups jusqu'au petit matin... Le fils du padichah, qui est resté éveillé toute la nuit, se dit : «Que veulent-elles encore ? Je leur ai donné tout ce qu'elles désiraient. Elles vont me faire mourir d'insomnie, ces deux créatures. Mère, va voir ce qui s'est passé chez la vieille.» Aux questions, cette dernière répond : «Comment veux-tu que je ne la frappe pas ? Ton fils nous a fait faire une belle maison, il l'a meublée, il nous a donné tout ce que nous pouvions désirer, et maintenant mademoiselle s'est mis en tête de l'épouser. Je sais que c'est impossible, alors je la bats.» La femme du padichah raconte l'affaire à son fils qui aussitôt décide de l'épouser puisqu'elle est belle, oubliant qu'elle est très pauvre. On célèbre les noces (à suivre...)