Il était une fois un homme qui avait trois filles. Comme il n'avait pas de métier, il coupait du bois qu'il vendait à droite à gauche pour faire vivre ses enfants. Ce qu'il gagnait était à peine suffisant pour acheter du pain et de la bougie. C'était bien peu pour lui et ses filles, mais qu'y faire ? Ainsi vivaient-ils. Un jour, il va encore dans la montagne, il attache son âne et coupe du bois. Mais juste au moment où il s'apprête à le mettre en tas, il voit venir un vieillard qui lui dit: — A qui as-tu demandé l'autorisation de couper ce bois ? Ne sais-tu donc pas que c'est interdit ? — Je ne savais pas cela, aie pitié ! — Es-tu marié ou célibataire ? — Je suis marié, j'ai une famille, avec trois filles. C'est avec cela que nous vivons. — Très bien ! Puisque c'est ainsi amène-moi demain ta fille aînée et je te laisserai couper du bois. Sinon tu n'auras rien, et je ne te laisserai jamais plus venir ici. — Je veux bien te l'amener, mais la pauvre n'a pas de chaussure… Peu après, le vieillard revient avec un baluchon qu'il donne au bûcheron. Dedans, il y a une paire de chaussures, une robe, des sous-vêtements, un manteau. Le bûcheron prend le tout, vend son bois, achète aussi un peu de pain, et rentre chez lui. Après le repas, il annonce à sa fille qu'il l'a vendue et qu'il va l'emmener, puis il lui donne les vêtements. Le lendemain matin, la jeune fille se prépare et suit son père vers la montagne. A peine celui-ci a-t-il commencé à couper du bois, que le vieillard arrive pour réclamer ce qu'il avait exigé la veille, et il part avec la fille vers une grande montagne. Il s'arrête au pied d'une grosse pierre, la frappe de sa canne, et aussitôt la pierre se fend en deux, laissant apparaître une porte de fer. Il cogne à la porte, et aussitôt un chien blanc vient leur ouvrir. Ils entrent dans un endroit très grand, où il y avait plusieurs chambres. Le vieillard s'en va dans sa chambre, la fille s'assoit dans un coin et revient avec deux marmites, qu'il remplit d'eau et qu'il met sur le feu à bouillir. Dans l'une il jette du boulgour (plat de blé concassé bouilli) pour faire un plat de pilaf ; avec l'autre, il puise de l'eau pour laver le chien blanc dans une grande cuvette au milieu de la pièce. Ceci fait, ils s'installent, lui, la fille et le chien, autour de la marmite au pilaf. Le repas terminé, le vieillard dit : «Tu as vu ce que j'ai fait ? Eh bien ! Maintenant je vais être absent un certain temps. C'est toi qui me remplaceras. Matin, midi et soir tu prépareras le repas et tu laveras le chien. Surtout ne le laisse jamais affamé ! Si tu fais ton travail correctement c'est très bien. Sinon, gare à toi, je te tuerai ! » Le lendemain matin, le vieillard donne à la fille des perles, de l'or, une glace, et lui dit : «Après ton travail, amuse-toi à enfiler ces perles, fais-toi des colliers Je serai de retour dans quarante jours. Tant que tu vois dans la glace la queue du cheval, cela veut dire que je continue mon voyage. Au contraire, si tu vois la tête du cheval, cela signifie que je suis sur le chemin du retour.» Puis il s'en va. Pendant un jour ou deux, la fille fait son travail. Le troisième jour, elle se dit qu'elle le fera après avoir enfilé les perles, et elle l'oublie. Par la suite, elle le fait tantôt le matin tantôt le soir. Un beau jour, elle regarde dans la glace et voit la tête du cheval. Aussitôt, elle se lève pour préparer le repas, mais au même instant on cogne la porte. Le chien blanc va ouvrir et se plaint auprès de son maître qu'il a faim et qu'il est malade. Furieux, celui-ci se précipite sur la fille, l'attrape par les pieds, la déchire en deux comme un morceau de tissu, en donne un morceau au chien et pend l'autre dans la cheminée (à suivre...)