Publication n Paru aux éditions Chihab, Les révoltes feutrées, un roman écrit par Slimane Aït Sidhoum (il en est à son troisième), raconte cinq personnages. C'est l'histoire de Idir, Salem, Si El-Hafid, Youcef et du capitaine Randier. Tous sont acteurs d'une bien singulière situation. Salem en est la clé de voûte. Ces protagonistes sont témoins d'un fait par lequel ils sont tous, de près comme de loin, liés : la disparition de Salem. Tout commence lorsque, plus de quarante années après l'indépendance, un ancien officier de l'ALN, revient sur les lieux du malentendu quémander le pardon. Il vient chez Idir demander au nom des moudjahidine à propos d'un crime commis injustement, voire par ignorance sur la personne de Salem, son jeune frère. L'histoire, elle-même, se déroule à Derna, dans un village de Kabylie, pendant la guerre de libération nationale. C'est l'histoire de Salem qui, soupçonné d'être un traître à la cause nationale et, donc, accusé à tort de trahison envers la Révolution, fut condamné et tué par les moudjahidine. Si El-Hafid en est la cause : élevé dans la hiérarchie sociale du village, influent, parce qu'il cumule deux fonctions, celle de commerçant et l'autre de marabout (taleb), Si El-Hafid joue double jeu : il apporte son soutien à la Révolution en y apportant une cotisation, mais en même temps il collabore avec l'armée française en procurant au capitaine Randier des informations sur les agissements des maquisards de la région. Un jour, Salem croise Si El-Hafid qui, lui, venait juste de sortir du poste de commandement du capitaine Randier. Cette rencontre inattendue allait lui être fatidique. C'était l'instant fatal qui allait, d'ailleurs, déterminer son sort. Alors, Si El-Hafid, pris peur et par instinct de survie, décide de se débarrasser d'un témoin potentiellement gênant : « …il valait mieux le perdre que de me retrouver dans une situation périlleuse », s'est-il dit. Il va aussitôt raconter auprès du chef militaire de la région, Si Amer, une histoire de trahison sur Salem. Il a formulé une dénonciation mensongère contre Salem. Le roman s'organise comme un retour dans un passé se révélant pour certains protagonistes particulièrement traumatisant – et dont quelques faits s'avèrent tabous – et sur lequel les langues sont restées longtemps engourdies. Il s'écrit comme une autopsie de l'un des pans de l'histoire contemporaine de l'Algérie : la guerre de libération. Le roman livre, et cela dans une noria de personnages, un réquisitoire contre ce qui semblerait être les dérives de la Révolution, c'est-à-dire la manière par laquelle certains acteurs se sont démarqués. C'est le cas de Si Amer, grand chef militaire de la région – tous les villageois nourrissaient pour lui une angoisse mêlée de respect imposé et de peur endémique – qui se montrait impatient, fougueux, intransigeant et expéditif. Son attitude impulsive et irréfléchie l'empêche de raisonner et, donc, de tirer les choses au clair. C'est quelqu'un qui se laisse aller par un manque de discernement, de constance et de tolérance, celle qui est argumentée et justifiée.