«Vous voulez savoir pourquoi je suis ici ? Eh bien sachez qu?à Médéa, il n?y a rien. J?ai acheté ce chameau et je veux gagner un peu d?argent. Juste ce qu?il faut pour retourner là-bas et ouvrir un petit commerce. Devenir un homme quoi !». La mine dépitée et guère enchanté par la belle démarche de son «ami», fait partie de ces milliers de jeunes, forcés à l?oisiveté pour la plupart, qui profitent de l?afflux des baigneurs pour faire des affaires. Sa recette est simple : faire d?incessants allers-retours sur la plage Colonel-Abbès et inviter les curieux à une promenade à dos de chameau pour la coquette somme de 500 DA. Un vieux polaroïd en bandoulière, la démarche chaloupée, Mouloud fait des kilomètres et s?arrête devant une grappe de jeunes garçons. Un temps d?arrêt puis il s?en va. Inutile d?insister. Il a compris que ces petits ne sont pas emballés par ce beau décor que représente l?imposant animal ou bien alors, ils sont tous fauchés. Sans le sou. Quelques mètres plus loin, autre arrêt et autre mésaventure. Mais Mouloud ne perd pas patience. Il est même aux anges quand une femme lui demande de faire agenouiller l?animal sans négocier le prix. Il acquiesce en donnant deux coups de bâton à son fidèle compagnon qui s?exécute. Si pour les deux précédents étés passés sur cette même plage, les affaires avaient plutôt bien marché, cette année ce n?est pas la grande joie. «Il reste encore juillet et août, espérons que ça va marcher», dit-il comme dans un match de football où tout peut se décider dans les ultimes instants. Ce natif de Médéa entretient l?espoir de voir les gens se ruer sur son chameau. Et si ce n?est pas le cas, il va tenter quelque chose, «peut-être faire baisser sensiblement le prix pour être plus sollicité», assène-t-il sur un air rassurant, «sinon je retournerai à Médéa et je vendrai le chameau à quelqu?un d?autre?», conclu l?homme, armé comme son chameau de fatalisme.