Huit juin 1940. Les yeux du monde entier sont tournés vers les dramatiques combats de la campagne de France. Pourtant, dès ce moment, la guerre est présente un peu partout dans le monde et même à l'autre bout du monde. Ce 8 juin 1940, le commandant Reginald Landsfield se trouve exactement aux antipodes de la France. Le «Niagara», cargo britannique de treize mille tonnes qui est sous ses ordres, croise en effet au large de Whangarei, petite ville du nord de la Nouvelle-Zélande. Il est 6 heures du matin. Soudain, un bruit formidable, suivi du hurlement des sirènes d'alerte : le «Niagara» vient de heurter une des mines que les Allemands ont mouillées dans toute la région pour empêcher les relations entre la Grande-Bretagne et son dominion. Malgré l'importance de la voie d'eau, l'évacuation se fait en bon ordre. Quarante-trois des soixante hommes d'équipage parviennent à gagner les canots. Les dix-sept victimes sont les marins tués par l'explosion et le commandant Reginald Landsfield qui a refusé de quitter son navire. A Whangarei, les naufragés sont aussitôt recueillis et dirigés sur l'hôpital de la ville. Pourtant, l'un d'entre eux refuse de les suivre. C'est le lieutenant de vaisseau Jeremy Johnson. Il demande à parler au responsable militaire de la place et, devant son insistance, il finit par être reçu par le général Besley. Jeremy Johnson, un grand gaillard blond d'une trentaine d'années, a encore les cheveux roussis par l'incendie et son uniforme est trempé d'eau de mer. Il a l'air très agité. — Général, il faut immédiatement prévenir le Premier ministre du naufrage du «Niagara». Le général Besley est éberlué, mais il manifeste sa surprise d'une manière toute britannique : — Vous ne croyez pas que sir Winston est un peu occupé en ce moment ? Le lieutenant de vaisseau Johnson, lui, ne parvient pas à garder son flegme — Je sais ce que vous pensez, général, mais le naufrage ne m'a pas fait perdre l'esprit. Le «Niagara» n'était pas un cargo comme les autres. Sa cargaison était un secret militaire que seuls le commandant et moi connaissions. Il transportait quatre-vingts tonnes d'or en barres. Cette fois l'étonnement du général change de nature. Il répète, bouche bée — Quatre-vingts tonnes ! — Oui. Elles étaient destinées aux Etats-Unis, en paiement de matériel militaire. Le général Besley retrouve tout son sang-froid. Et il en faut, car quatre-vingts tonnes d'or, cela fait 12 millions de dollars de l'époque ou 800 millions de nos euros ou encore 525 milliards d'anciens francs ! 6 octobre 1940. Une entrevue étonnante se déroule à Sydney, la grande ville australienne, dans les bureaux d'un certain John Williams. Le lieutenant de vaisseau Jeremy Johnson a demandé à le voir. John Williams, ancien capitaine de la marine marchande, s'est reconverti en fondant une petite entreprise de plongée sous-marine, réputée la meilleure d'Australie. La cinquantaine déjà largement dépassée, il a tout du loup de mer traditionnel : les cheveux et la barbe blonds, le visage bronzé parcouru de petites rides, une carrure d'athlète. Il tire sur sa pipe en attendant que son visiteur explique la raison de sa visite. — Je bénéficie d'une permission spéciale de l'Amirauté, capitaine. J'ai carte blanche pour ma mission, mais les autorités m'ont prévenu qu'elles ne dépenseraient pas un penny. C'est pourquoi je viens vous trouver en tant qu'entrepreneur privé. (à suivre...)