Portrait n Physique imposant d'un jazzman américain, visage d'un débonnaire, contact facile, Sid-Ahmed Debonno ne passe pas inaperçu à Blida. Très apprécié dans son milieu professionnel – il est technicien de la santé –, cet artiste est, à 41 ans, encore célibataire faute de logement sans cesse promis et jamais délivré. «J'ai déposé ma demande en 2001 et des amis chanteurs et musiciens ont fait en 2006 – lors d'un hommage au regretté Guerrouabi organisé dans la maison d'Ismet Benomar – une demande collective adressée au wali pour que je puisse bénéficier d'un appartement à l'occasion de la Journée de l'artiste, et depuis, j'attends toujours.» Des larmes ne tardent pas à perler dans les yeux de cet homme connu pour sa joie de vivre, un vrai artiste qui fait le bonheur de toutes les associations musicales et les orchestres avec lequels il s'est produit. El- Widadia, Nedjma, Riadh El-Andalouss, Adabia, Motribia ont apprécié ses prestations au piano. Il a été président de l'éphémère orchestre de Blida – une idée du président d'APC Mellak – et a fait partie de l'orchestre de la wilaya lors de la semaine de Blida à Alger. «J'ai travaillé sans répit et, à la différence des jeunes d'aujourd'hui qui exigent tout de suite de l'argent, nous ne lui connaissions pas ce vice. D'ailleurs, nous subissons maintenant ce blocage à la source de l'absence d'animation culturelle.» La musique andalouse, le chaâbi dont s'enorgueillit la ville des roses perd du terrain. «Le festival du hawzi tenu en 1996 a été une réussite totale parce que tout le monde s'y était investi. Les gens oublient que nous répétions et que nous rentrions chez nous la peur au ventre du fait de la douloureuse période vécue, mais nous tenions à donner un peu de joie à la cité dans ce décor de mort», évoquera le musicien. Constat amer d'un artiste qui précise que les associations se multiplient sans qu'on leur donne l'occasion de travailler, contrairement aux décennies précédentes. Sid-Ahmed Debonno est passé dans toutes les émissions radiophoniques et télévisées qui traitaient de la musique andalouse à Blida : «Nous sommes estimés et respectés ailleurs. Une chaîne de radio – radio Mitidja – projette même de créer un orchestre pour son émission reconnue à partir de Blida. » Sur le devenir de cet art, l'homme natif de Blida dresse un constat négatif : « Blida s'englue dans des considérations autres que culturelles au moment où une association comme El-Djenadia de Boufarik travaille et forme la jeunesse. Nous avons eu des hommes qui formaient comme Longo, Meridja, Rahal qui sont les derniers, en 1994, à avoir apporté l'oxygène nécessaire en reprenant la formation par l'apprentissage du solfège. » Revenant sur sa situation sociale, l'homme appréhende l'omission dont il pourrait être victime pour l'octroi d'un logement social. «Je suis peiné de devoir mendier un logement, mais tous les présidents qui se sont succédé à la tête de l'assemblée populaire communale de Blida connaissent la situation matérielle que je vis et j'aimerais bien fonder un foyer à mon âge que je considère déjà avancé.» Il est difficile d'imaginer cet homme malheureux, lui qui a participé à nombre d'hommages, notamment celui de Rachid Nouni en France, des festivals au Caire et à Bagdad, portant très haut l'étendard de cet art faisant la fierté de toute une région.