En cette année 73 avant Jésus-Christ, l'institution des gladiateurs n'est pas encore très développée à Rome. La pratique de faire se battre des hommes dans l'arène n'est répandue qu'en Campanie, la région de Naples. Et c'est tout près de Naples, dans la jolie ville côtière de Capoue, que se trouve la plus importante caserne de gladiateurs, celle de Caius Battiatus. Dans ce vaste bâtiment en forme de quadrilatère, avec, au centre, le terrain d'entraînement et, tout autour, les logements et les divers équipements, ils ne sont pas moins de deux cents à vivre, dans l'attente du prochain spectacle où beaucoup vont mourir. Ce jour-là, Caius Battiatus reçoit la visite d'Aulus Nigidius, riche patricien, qui doit financer les prochains jeux. Il se précipite à sa rencontre avec un sourire obséquieux. Autant il est dur avec ceux qui sont sous ses ordres, autant il est servile avec les personnages importants. Et Aulus Nigidius est la principale personnalité de Capoue. — Ta visite m'honore, Nigidius. Que puis-je faire pour toi ? Nigidius le regarde sans indulgence. — J'ai un souci à ton sujet. On m'a dit que tes gladiateurs étaient composés pour moitié de Gaulois et pour moitié de Thraces. — Parfaitement. Mais je ne vois pas ce qui t'inquiète. Ce sont deux nations belliqueuses, qui donnent d'excellents combattants — On m'a dit aussi qu'il y avait beaucoup de soldats déserteurs qu'on avait envoyés chez toi pour les punir. — Il y a d'anciens soldats, effectivement. Le jour des jeux, ils n'en combattront que mieux. — S'ils sont encore là... — Que veux-tu dire, Nigidius ? — Je veux dire qu'il est de règle de mélanger les nationalités pour éviter que les gladiateurs se comprennent entre eux et complotent. D'autre part, ce sont d'anciens hommes libres. — Et alors ? Maintenant ils sont esclaves. — Oui, mais ils ne l'ont pas toujours été. Un esclave de naissance a une mentalité soumise. Eux, ils sont fiers, farouches... — Tu t'inquiètes à tort. Ils seront les meilleurs dans l'arène. — Les dieux t'entendent ! S'il arrivait quelque chose, je te tiendrais pour responsable... Multipliant les politesses et les courbettes, Caius Battiatus raccompagne son illustre visiteur. Comme ils passent au milieu des hommes à l'entraînement, celui-ci lui désigne un combattant d'une trentaine d'années, à la peau mate, aux cheveux bruns bouclés et à la musculature impressionnante. — Regarde celui-ci. Avec quelle insolence il nous dévisage ! Qui est-ce ? — Spartacus, un Thrace. Le meilleur homme de ma troupe. Mais encore une fois, ne te fais pas de souci. C'est un barbare comme les autres, une brute, un animal... Aulus Nigidius quitte la caserne sans rien ajouter, persuadé néanmoins que ses inquiétudes sont fondées. Et il a raison ! L'aveuglement et la légèreté de Battiatus vont avoir des conséquences incalculables. Car un complot est bel et bien en train de se tramer. Il est dirigé par trois personnages exceptionnels. Le premier, Crixos, est un Gaulois doué d'une force herculéenne. Il a été capturé au cours d'une razzia, avec une centaine de ses compatriotes et tous ont été envoyés ici, au sud de l'Italie. Chez ces hommes, arrachés brutalement à leur famille et à leur patrie, la colère gronde et il est devenu leur meneur. Spartacus, le deuxième d'entre eux, est originaire de l'autre ethnie : les Thraces. La Thrace est la partie nord-est de la Grèce, qui correspond aujourd'hui à la Turquie d'Europe et au sud de la Bulgarie. Contrairement à ce que disait Battiatus, ce n'est nullement un pays barbare. (à suivre...)