Le président du Conseil italien qui veut ramener l'ordre s'attaque à l'un des symboles du petit et du grand banditisme, la mafia. La province de Naples, d'une superficie de 1171km², est la plus petite de l'Italie méridionale, mais la plus populeuse. Elle compte quelque 3.500.000 habitants avec une densité élevée d'au moins 2600 habitants au km². La province de Napoli comprend les îles de Capri, Ischia et Procida. Naples est la plus grande ville du Sud, avec une population approximative de 1.250.000 âmes, dont au moins 450.000 familles de l'agglomération napolitaine vivent sous le seuil de pauvreté. Naples détient le record italien du nombre de policiers: un pour 240 habitants. Malgré cela, le territoire appartient aux clans de la Camorra et aux petits délinquants. Depuis de nombreuses années, des milliers de manifestants se retrouvent dans les rues de Naples, pour protester contre la mafia locale. Depuis de nombreuses années aussi, les règlements de compte entre bandes mafieuses rivales font des morts et encore des morts, surtout dans les quartiers les plus défavorisés de Scampia et de Secondigliano. Cette guerre mafieuse a atteint une ampleur inattendue à la fin du mois d'octobre-début novembre où en l'espace de dix jours, douze homicides ont eu lieu. Cette série d'hécatombe, porte le nombre à 72 tués depuis le début de l'année. Face à cette recrudescence de crimes et le cri d'alarme lancé par le président de la République Giorgio Napolitano, originaire, comme son nom l'indique, de Naples: «Je suis angoissé pour Napoli, je vis avec angoisse ces journées, parmi les pires que la ville ait connues depuis longtemps». L'urgence de prises de décisions radicales contre la Camorra napolitaine s'est ainsi faite auprès des responsables politiques qui ne pouvaient plus tergiverser. Après tant et tant de promesses qui n'ont jamais étaient tenues, parce que difficiles à tenir -promesses données par tous les gouvernements qui se sont succédé- genre «aucune trêve à la criminalité organisée», il était cependant impératif pour Rome de réagir. D'autant plus qu'il n'y a pas de jour que ne soit annoncée une triste nouvelle de versement de sang et de meurtre de la Camorra, qui ensanglante cette ville vibrante et pleine de vie. Guerre des clans, pour le trafic de drogue, racket, usure, monopole des jeux clandestins, de béton, contrebande, contrefaçon de CD, DVD, accessoires de luxe et vêtements...autant d'activités qui rapportent vraiment très gros. Le chiffre d'affaires annuel de la Camorra (19 clans à Naples) est estimé à plus de 25 milliards d'euros. «L'une des grandes forces de la Camorra, c'est sa capacité à s'insérer dans le territoire et à cultiver la peur, principalement avec le système des extorsions qui vise en premier lieu les entrepreneurs et les commerçants», observent les associations antimafia de Naples. «Si un commerçant accepte d'être protégé, c'est-à-dire de payer le ‘pizzo', l'impôt mafieux, il devra dire oui à l'embauche de tel ou tel employé, oui au choix de tel ou tel grossiste, oui à tout, jusqu'au jour où il perdra son autonomie.» «Le gouvernement ne doit pas être présent seulement dans l'urgence. Sans investissements à long terme, sans une justice plus efficace et surtout sans aides pour l'emploi, la Camorra continuera de proliférer, n'oublions pas que les chômeurs constituent la première main-d'oeuvre de la criminalité organisée. Or, 53% des jeunes napolitains sont au chômage.»(1)«A 18 ans, un jeune pourra gagner 1000 euros par jour, avec le trafic de stupéfiants, mais il aura six chances sur dix de mourir avant 25 ans. S'il choisit le chemin de la légalité il sera moins riche mais un homme libre», disent ceux qui se battent sur le terrain. Toutes ces associations antiracket, antimafia et anticamorra, jouent un rôle plus que fondamental pour rompre l'omerta de ce cercle vicieux. Parce qu'il est vraiment «erroné de vouloir identifier à la mafia napolitaine toute la population des quartiers comme ceux de Scampia et de Secondigliano, mais qu'il faut agir vite pour les nouvelles générations», réitèrent les mêmes organisations. Mais «soyons réalistes, la criminalité organisée ne se combat pas en quelques mois, vous voyez bien que la guerre des clans se poursuit pour le moment, alors on en reparlera dans quelques années.» ajoutent-ils En ces derniers jours, la machine à tuer est passée à l'action, suscitant la préoccupation du chef de l'Etat italien qui dit dans une note que c'est une «émergence non seulement criminelle, sociale et culturelle» qu'il faut affronter. Cette inquiétude est partagée par le président du Conseil Romano Prodi, qui s'est rendu à Naples pour tenter de rassurer la population et discuter avec les autorités locales et de la région des mesures d'urgence à envisager dans l'immédiat, après la vague de crimes qui s'est abattue sur la ville. «Il n'y a pas que Naples, c'est un problème de tout le sud du pays. Nous estimons inutile d'isoler les urgences, parler un jour de Naples, un autre de la Calabre, puis de la Sicile: il y a un problème général qui réclame une approche globale», a déclaré M.Prodi, qui a exclu le recours à l'armée demandé par plusieurs personnalités politiques locales, ainsi que par son ministre de la Justice. Clémente Mastella, également élue, de la région: «l'armée est une hypothèse qu'il faut prendre en considération» a dit le garde des Sceaux. Pour le ministre de l'Intérieur, Giuliano Amato, qui s'est rendu sur les lieux, au lendemain de la visite de Romano Prodi, pour mettre au point le plan de «Napoli sicura» (Naples sûre), avec les élus locaux et régionaux; ce plan pour le renforcement de la sécurité du citoyen, prévoit une augmentation de 50% des patrouilles de police dans les rues napolitaines et l'octroi de nouveaux véhicules, notamment des motos, pour les forces de l'ordre, pour la poursuite des malfaiteurs dans les ruelles étroites du centre-ville, la création d'une brigade de police spéciale, composée de 150 hommes, chargée de surveiller les quartiers «visités» par les touristes, souvent pris pour cible par des voleurs à la tire et, quelquefois, victimes d'agressions. Un plan de sécurité très renforcé pour lutter contre la criminalité organisée, avec une meilleure coordination entre police, carabiniers et inspecteurs des finances. Sur un autre plan, il est prévu l'installation d'un système de vidéo-surveillance et le recours aux services de renseignement. Donc «un contrôle du territoire rue par rue», avec l'envoi de 1000 à 1300 policiers supplémentaires, qui rejoindront les 13.500 policiers qui opèrent déjà dans la région de Naples. 1.Le taux de chômage dans la province de Naples est de 24,7%. Dans la tranche d'âge des 25-29 ans il atteint 53%, selon des chiffres de l'Institut national des statistiques (Istat) pour 2002. Au second trimestre 2006, le taux de chômage en Italie s'établissait à 7%.